Un podcast imaginé et coordonné par Richard Gaitet, réalisé par Benoît Thuault, Guillaume Girault, Malo Williams, Mathieu Boudon, Tristan Guérin, Emmanuel Baux et Sulivan Clabaut, avec des interviews menées par François Dayre et Matthieu Fontaine, et des archives retrouvées par Isadora Dartial et Bintou Simporé. Graphisme : Sébastien Carriau.
1981 : obligé·e·s de tout se permettre
En 1981, Georges Brassens casse sa pipe quelques mois après Bob Marley, mais Joy Division renaît de ses cendres sous le nom symbolique de New Order, tandis que Charles et Lady Di se marient et que nous faisons, au cinéma, la connaissance d’un bel aventurier goguenard nommé Indiana Jones. IBM commercialise le premier ordinateur personnel au moment où les voitures, en Europe, peuvent se doter d’airbags. Aux Etats-Unis, une revue scientifique parle d’une étrange maladie nommée sida et une chaîne de télévision musicale nommée MTV se lance avec un clip des Buggles intitulé Video Killed The Radio Star. Au même moment, dans notre beau pays de France, la gauche accède au pouvoir, la peine de mort est abolie et les ondes radiophoniques se libèrent ; il était temps, à vrai dire, parce que sur la bande FM hexagonale, on entend surtout Les lacs du Connemara, Tata Yoyo, Couleur menthe à l’eau ou la bande-originale de La Boum.
BOUM. En 1981, entre les sous-sols de France Culture et un tout petit studio du quartier de la Villette à Paris, Radio Nova jaillit du rapprochement progressif des équipes de Radio Ivre et Radio Verte, vite rejointes par les journalistes d’avant-garde du magazineActuel, à la recherche de ce tout qui est « nouveau et intéressant » aux quatre cents coins de la planète – avec parfois 400 000 exemplaires vendus par mois. Comme l’a écrit Jean-François Bizot, l’exubérant et charismatique cofondateur de ce journal etde la station, cette radio entend « faire danser tous les cabillauds congelés » en jouant « Fela Kuti, le funk, la new wave, Tuxedo Moon, Kraftwerk » et « remettre Paris à l’heure en assumant son vaudou », au gré d’une antenne « chaude et froide comme les années 80 ! »
De leur côté, Andrew Orr et Jean-Marc Fonbonne, tout comme Catherine Lagarde, Eve Couturier ou Jean-Jacques Palix, multiplient collages et brouillages dans un génial esprit de cut-up à la suite du stupéfiant William S. Burroughs, auteur du roman Nova Express en 1964 – auquel la radio emprunte son nom de baptême. Un son unique est né. Nova novatrice, pour toutes les oreilles.
« Nous, on était modernes », comme dit Thierry Planelle, l’un des premiers programmateurs musicaux et « activistes » de Radio Nova, dont nous avons placé la voix sur notre tout premier générique – lui-même fabriqué à partir d’une création de Laurie Anderson. Rester moderne, au fil de quatre décennies et au-delà.Créneau désirable, crédo durable. En 2021, Radio Nova a soufflé ses 40 bougies et enclenché un chantier à sa démesure : produire un documentaire de quarante épisodes pour raconter, année par année, les joies, les peines, les folies, les gloires et les rayures d’une radio « pas pareille », adepte endurante de « la liberté bordélique, spécialité maison ». Un an et 93 interviews plus tard, nous y voilà. Bienvenue dans La Danse du Zèbre.
Réalisation, mixage : Benoît Thuault.
1982 : la face B du monde
Le saviez-vous ? En 1982, il existait sur Radio Nova une émission nocturne nommée Langue de vipère, basée sur le principe ultra-répandu de libre antenne, où les auditeurs étaient invités à... « râler » ! Certain/e/s, parmi vous, téléphonent à la radio année-là pour se plaindre de la mort de Patrick Dewaere, de Romy Schneider, de Louis Aragon ou de Thelonious Monk, pour se plaindre des groupes de merde qui jouent en bas de chez eux lors de la toute première fête de la musique, ou pour hurler parce qu’ils entendent presque partout Quand la musique est bonne de Jean-Jacques Goldman ou L’Aventurier de ces petits corbeaux new wave nommés Indochine.
OK, OK. En 1982, il n’y avait pas que des raisons de se plaindre. Thriller de Michael Jackson est en chemin pour devenir l’album le plus vendu de l’Histoire, un premier cœur artificiel se met à battre aux USA, un bébé éprouvette naît en France (elle s’appelle Amandine), alors que ma cousine Sandrine joue à Pac-Man sur sa console Atari. Tout le monde se demande à quoi peut bien servir cette boîte en plastique marron nommée « Minitel »et les salles de cinoche mettent à l’affiche Blade Runner, E.T., Conan le Barbare, Rambo (I) ou Rocky III : l’œil du tigre et sa chanson qui deviendra, de manière incompréhensible, le générique des Grosses Têtes.
Sur Nova, nouveauté : des émissions régulières, un peu bizarres, font leur apparition sur ce qui ne s’appelle pas encore « la grille ». Elles sont souvent animées par des femmes excentriques, comme Sapho ou Angela Lorente. Tandis que derrière la console, on s’active à pirater la télé ou à travailler « les ruptures de voix », à l’heure où s’invente à Paname un concept-clé, propice à la diffusion – et ensuite au succès – des musiques africaines ou arabes : « la sono mondiale », notre mélange essentiel.
Réalisation, mixage : Benoît Thuault.
1983 : la famille du délire
En 1983, l’ex-président du Sénégal, Léopold Sédar Senghor, poète ayant déjà accédé à l’immortalité via son recueil Ethiopiques, devient le premier Africain élu à l’Académie Française. La même année, Jean-François Bizot relit dans Actuel et sur Nova « l'Histoire de France avec des lunettes noires ». Si chacun nettoie ses verres avec les lingettes appropriées, on voit qu’à la même période, le capitaine Thomas Sankara réussit son coup d’État révolutionnaire pour réformer le futur Burkina Faso, Prince se croit déjà en 1999, Bowie répète Let’s dance et une certaine Madonna prêche depuis New York l’idée de partir tous ensemble en Holiday. En discothèque, on entend aussi Sweet Dreams, What a feeling, Girls just wanna have fun ou Last Night A DJ Saved My Life, tandis que les Français se déhanchent devant la gym tonique de Véronique et Davina. Téléphones et ordinateurs deviennent transportables, Karl Lagerfeld est nommé directeur artistique de Chanel, les Monty Pythons se questionnent sur le sens de la vie, le Jedi est de retour et Pacino se repeint l’intérieur des narines en blanc dans Scarface.
Sur Nova, une dizaine de permanents travaille soixante-dix heures par semaine, parfois en « pur bénévolat », parfois en étant « bien payés ». On commence à s’engueuler à propos de ce nouveau support musical, le CD, « qui vraiment, euh, compresse le son par rapport au vinyle, tu vois » ? Sir Ali nous accompagne à l’heure de la sieste, le couple Karl Zéro / Daisy d'Errata signe sketchs et chansons en pastichant l’avant-guerre, et le jeune Roudoudou coupe et colle des archives en multipliant les faux jeux rigolos. C’est le début des bons plans qui ne disent pas encore leur nom, et l’amorce des playlists avec des titres en rotation – comme, peut-être, le proto hip-hop Rockit de Herbie Hancock ou l’emblématique boucle muezzin-funk baptisée Regiment de David Byrne & Brian Eno. Le régiment des soldats du groove marche en rang serré.
Réalisation, mixage : Benoît Thuault.
1984 : une queue de billard coupée en trois
En 1984, contrairement aux prédictions d’Orwell, Big Brother ne surveille pas – encore – nos désirs et nos pensées. Sur le répondeur de nos souvenirs, Stevie Wonder appelle juste pour dire I love you, mais les Talking Heads ne se rappellent plus ce qu’ils ont fait « ce soir-là » à part croiser un psycho killer (qu’est-ce c’est ?). On songe à téléphoner à SOS Fantômes, dont le premier épisode cartonne en salles, pour ressusciter Marvin Gaye qui vient de se faire descendre par son propre père. Marguerite Duras décroche le Goncourt avec L’Amant et l’archevêque sud-africain Desmond Tutu reçoit le Nobel de la paix pour son combat contre l’apartheid. L’Allemande Nena voit 99 ballons dans le ciel de son pays divisé, la communauté gay se découvre un hymne via le bouleversant Smalltown Boy de Bronski Beat, on écoute Purple Rain sur son baladeur CD et le groupe Queen se dit gaga de radio – ce que nous confirme le Top 50 diffusé chaque semaine sur une nouvelle chaîne de télé cryptée nommée Canal+.
Sur Nova, en 1984, on raconte l’arrivée d’une danse, le smurf, dans les cités – où se déroulent l’ancêtre des battles qui s’appellent encore des « super-défis ». Des pionniers du rap français, comme Destroy Man et Jhonygo, improvisent sur nos ondes – qui se dotent de génériques et de tops horaires. Et c’est ainsi que nous restons à l’heure, en gardant un œil sur les nouveaux courants musicaux, (big) brothers & sisters.
Réalisation, mixage : Benoît Thuault.
1985 : les frères cadets du feu
En 1985, sur quels rythmes dansent le monde ? Gorbatchev s’installe au Kremlin, l’épave du Titanic est retrouvée dans l’Atlantique, Christo emballe le Pont-Neuf à Paris et Super Mario débouche des tuyaux chez Nintendo. Au cinéma, Brazil de Terry Gilliam rejoue l’angoisse totalitaire de 1984 sur un air de samba, Kusturica se palme d’Or et le premier volet de la trilogie Retour vers le futur nous apprend à ne pas disparaître de la photographie. Nom de Zeus, Marty ! Assassin se forme autour de Solo et Rockin’ Squat, la même année que Radiohead, Zebda et Guns N’Roses. Pendant ce temps-là, un drôle de couple parigot, les Rita Mitsouko, décroche un premier tube avec le génialement funèbre Marcia Baila, dont le clip montre Catherine Ringer en robe corset Jean-Paul Gaultier. Bret Easton Ellis publie Moins que zéro, son premier roman pour élites frigorifiées, pile au moment où Michael Jackson et Lionel Richie persuadent une ribambelle de stars de chanter We Are The World, contre la famine en Ethiopie – et la France fait pareil, avec Renaud et les Chanteurs sans frontières, six mois avant la premières Victoires de la musique, qui célèbrent Jeanne Mas, Michel Jonasz ou le funk glacial de Love on the beat, signé Gainsbarre.
Sur Nova, un jeune reporter sénégalais, Samba Ndiaye dit « Black Samba », parcourt Paname à la recherche de musiques africaines « plus urbaines » et rapporte à la radio l’enregistrement d’un jingle featuring… Miles Davis. À l’antenne, entre deux créations sonores de Catherine Lagarde et des émissions sans « vedettes », on entend du raï, de l’afro-beat, des mélodies mandingues, ou l’éthio-jazz de Mahmoud Ahmed, prélude aux futures compilations Ethiopiques, qui doivent peut-être aussi leur succès… à un vendeur de frigos de Belleville. 1985 est également marquée par l’arrivée de l’une des voix mythiques de la station jaune et noire, Bintou Simporé, qui entre pour la première fois dans ce studio, dit-elle, « tendu de toile de jute, qui ressemble à une case ». Black is beautiful.
Mais tout ce petit monde ne se doute pas qu’en coulisses, un putsch se prépare…
Réalisation, mixage : Benoît Thuault.
1986 : la jeunesse bouillonne
En 1986, dans Mauvais sang de Léos Carax, Denis Lavant décide de laisser la radio lui dicter ses sentiments et il se met à courir de nuit comme un fou dans Paris en écoutant Modern Love de Bowie. Mais quels étaient les sentiments des Français/es en apprenant, cette année-là, la mort de Coluche, de Simone de Beauvoir, de Borges, de Genet, ou l’explosion d’un réacteur dans la centrale de Tchernobyl ? Est-ce qu’aller voir 37°2 le matin (Beinex), La Mouche (Cronenberg), Top Gun (Scott) ou Blue Velvet (Lynch) remonte le moral ? Est-ce que ça suffit, l’annonce d’un tunnel qui se creuse sous la Manche, celle du premier cœur artificiel, la fusion rap-rock avec Walk This Way d’Aerosmith et Run DMC, ou de gueuler comme les Beastie Boys quand ils nous incitent à nous battre pour notre droit à faire la fête ? Comment vous croyez qu’on se sent, quand le nec plus ultra de la réussite sociale a la tronche de Bernard Tapie ou de Jacques Séguéla ? Et quand on entend qu’un étudiant de 22 ans, Malik Oussekine, a été matraqué à mort par la police ?
La jeunesse bouillonne. En 1986, Nova choisit pendant trois semaines de devenir la radio d’un mouvement de contestation, contre le gouvernement Chirac, alors Premier Ministre, et la loi Devaquet, qui vise à reformer les conditions d’accès à l’université. C’est aussi l’année où notre reporter Black Samba tend son micro à Hugh Masekela ou Touré Kounda, ambiance les chauffeurs de taxi et colle des autocollants dans toutes les stations de métro, tandis que Bintou Simporé et l’équipe d’Actuel explore les communautés d’un Paris mondialisé, dans les quartiers chinois ou espagnols. En parlant d’Espagne, la voix qui ouvre l'épisode, tirée de l’émission Actuel Sons spéciale Colombie, c’est celle de Luis Gonzalez-Matta, un espion de Franco qui – incroyable, mais vrai – fut l’éphémère directeur de Radio Nova, nommé par Bizot en personne. Est-ce une légende de notre bureau ?
Réalisation, mixage : Benoît Thuault.
1987 : symphonie sous pression pour douze locomotives
En 1987, tandis que le légendaire producteur jamaïcain Lee Scratch Perry bénit la console de notre studio avec des gousses d’ail et des citrons pressés, le métier d’animateur radio est incarné au cinéma par deux pointures : Robin Williams dans Good Morning Vietnam, Jean Rochefort dans Tandem. Deux salles deux ambiances. Au Royaume-Uni, le gouvernement Thatcher impose aux clubs de fermer à deux heures du matin – ce qui provoquera l’apparition des premières raves-parties, où danseurs & danseuses portent peut-être les premières Air Max. Le conseil de l’Europe adopte le programme d’échange étudiant nommé « Erasmus » qui charme autant que l’ouverture du Futuroscope de Poitiers, où les visiteurs ont parfois le même mulet que Mel Gibson dans L’Arme fatale. Dans les taxis, on entend Joe le taxi, I want your sex ou la B. O. de Dirty Dancing, alors que Barbara chante Sid’amour à mort et met des corbeilles de capotes à disposition du public pendant ses concerts.
PUMP UP THE VOLUME. Montez le volume. Ce conseil élémentaire des Anglais du groupe M/A/R/R/S s’applique naturellement à Radio Nova. Direction la Gare de Lyon, rebaptisée « Gare des Etoiles » le temps d’un… concert de locomotives, orchestré par Nicolas Frize et diffusé en direct sur notre antenne (et sur TF1, on a encore du mal à y croire aujourd’hui). Outre cette « grande jubilation bruyante » initiée pour rendre hommage au mouvement futuriste, la station ouvre ses micros au chef de la Zulu Nation, Afrika Bambaataa, et assume son côté faiseuse-de-tubes avec un soutien-clé aux Gipsy Kings, comme à la bande-originale de Bagdad Café, vous savez, qui contient ce slow langoureux pour les paumé/e/s de la Route 66, Calling You. Revenue du fin fond de la la route 87, Nova t’appelle.
Réalisation, mixage : Benoît Thuault.
1988 : pas de bla-bla face au FN
Le 24 avril 1988, Jean-Marie Le Pen obtient 14,38 % des voix au premier tour de l’élection présidentielle. Dès le mois de février, l'œil de verre de l’extrême-droite a annoncé que son parti occuperait la rue le 1er mai (plutôt que le 8, d’ordinaire dévoué à son carnaval de fafs à la mémoire de Jeanne d’Arc). Charles Pasqua, alors ministre de l'Intérieur, évoque certaines « valeurs communes » entre le Front National et une partie de la droite majoritaire. À la téloche (ouais, dans les années 80, on dit encore « téloche »), François Mitterrand, qui s’apprête à affronter son Premier Ministre Jacques Chirac au second tour, rappelle que depuis le début des années 60, la France a, je cite, « fait venir les immigrés en masse par besoin de main-d'oeuvre et pour contenir les salaires des travailleurs français. On les a embauchés, même clandestins, parce qu'ils étaient commodes. »
Et le président socialiste ajoute, histoire de rassurer l’électorat droitard : « Nombre de mes amis auraient voulu que je tienne un langage plus conciliant sur les immigrés clandestins. Mais je pense que, s'ils doivent être traités humainement, les clandestins doivent rentrer chez eux. Pierre Mauroy, lorsqu'il était Premier ministre, a fait adopter une loi facilitant le retour et l'insertion dans leur pays d'origine des immigrés en situation régulière. Quoi qu'il en soit, lorsque l'expulsion devient nécessaire, il me semble que c'est à la justice de se prononcer puisqu'il s'agit de protection du droit des personnes. Quant aux autres, qui se trouvent légalement en France et veulent y rester, il est normal qu'ils soient, ainsi que leurs enfants, intégrés à la vie du quartier, de l'école, etc. »
Dans ce climat délétère, Nova préfère fêter son « 1er mai des immigrés » en tendant son micro à Yannick Noah (Radio Noah !), s’improvise premier sur le raï avec Khaled, et le single inaugural de Princesse Erika, Trop de bla-bla, complainte ragga contre les violences conjugales, tourne en rotation lourde. La même année, John Carpenter nous prête ses lunettes pour identifier les zombies gouvernementaux qui veulent nous endormir et nous faire obéir dans son film Invasion Los Angeles, tandis que Public Enemy te rappelle de ne pas croire à la hype. La jeunesse plonge dans les abysses du Grand Bleu de Besson, qui provoque beaucoup moins de remous que La Dernière Tentation du Christ de Scorsese. Chez Almodovar les femmes sont au bord de la crise de nerfs, Akira pique une colère nucléaire dans Tokyo en ruines, Roger Rabbit se demande qui veut lui faire la peau… alors que le prix Femina est attribué à Alexandre Jardin pour son deuxième roman très sentimental, intitulé Le Zèbre. Assez de haine : le seul RN qui compte, c’est Radio Nova.
Réalisation, mixage : Benoît Thuault.
1989 : la dynastie du mic
Du neuf, en 1989 : « Le Deenastyle », créé deux ans plus tôt sur notre antenne par DJ Dee Nasty et co-animé par Lionel D. et ses rimes solides, devient chaque dimanche soir le rendez-vous incontournable du rap francilien, et au-delà. À l’image du fameux freestyle réunissant NTM et Assassin, « fouettant l’auditeur, le touchant en plein coeur », des légions de MC’s aux aboies, rarement timides et souvent sans complexe, font trembler le mic pour « inscrire leur nom sur la carte » tandis que nos escaliers sont repeints avec les graffs de Colt ou Mode2. Un autre dimanche soir, le téléphone sonne : c’est Mick Jones en personne, guitariste-chanteur des punks majuscules de The Clash, qui se pointe en direct pour jouer une sélection de vinyles électroniques. Il aurait pu choisir le baiser house de French Kiss signé Lil’ Louis, ou reconnaître en passant ses héritiers parigots débraillés, La Mano Negra, qui nous excitait un peu plus que La Lambada.
Pendant ce temps-là, Salman Rushdie est « condamné à mort » pour ses Versets sataniques, une sonde spatiale prend des photos de la planète Neptune et surtout, un mur chute : celui de Berlin, recouvert (à l’Ouest) de tags en faveur de la liberté. Avec lui, c’est la guerre froide et la binarité du monde qui s’effondrent, avec une déclaration officielle de Mikhaïl Gorbatchev et George Bush Sr. En Asie, c’est plus chaud : certes, le Dalaï-Lama reçoit le Nobel de la paix, mais les chars de l’armée chinoise sont envoyés place Tian’anmen, à Pékin, pour réprimer des manifestations et massacrer des étudiantes, des intellectuels, des ouvriers. En réaction, Nova envisage l’impossible : affréter en mer de Chine un bateau-radio nommé « La Déesse de la Démocratie », pour tendre le micro aux dissidents traqués. Hélas, notre émetteur sera confisqué par le pouvoir avant sa mise en marche (et, d’après Bizot, nos équipes ont même été « poursuivies par un sous-marin »). Branchez-vous sur notre sonar temporel : on plonge.
Réalisation, mixage : Guillaume Girault.
1990 : « Worldwide », ouaip !
En 1990, tout a recommencé là-bas pour un homme qu’on appelle Nelson Mandela, qui bouge de la prison après vingt-sept ans de détention. Des rythmes chelous nous aident à faire vibrer nos corps, comme U can’t touch this de MC Hammer et son fut’ parachute, Groove is in the heart de Deee-Lite, ou Vogue de la Madone qui nous donne du réconfort. Je bouge de là, j'continue mon trajet, j'arrive vers l’Organisation Mondiale de la Santé qui se dit vraiment très forte comme une lionne et retire l’homosexualité de la liste des maladies mentales. Elle me dit « Mon Riri est-ce que tu veux qu’on beat-boxe ? » maisje lui dis que Benny B. apprend à peine à dire « Yo ! » aux téléspectateurs du Club Do. Ma voisine de palier, elle s'appelle Cassandre, elle prédit que cette invasion irakienne du Koweït va dégénérer en guerre du Golfe avec une coalition menée par les USA pour contrer Saddam et boire du pétrole à la paille, elle me demande si j’ai une bonne descente, j’ai bu un magnum, j’ai dû mal comprendre. Directement, j'suis allé chez Lucie qui aime Twin Peaks, sa Game Boy et Joe Pesci dans Les Affranchis, elle me dit « Tu aimes la radio toi mon super MC ? » et j’ai dit « Oui, j’adore, avecde la tech’ dans mes ouïes », elle m’a dit « bouge de là ». J'continue mon trajet, j'arrive sur le boulevard Barbès, quand je vois un de mes amis qui revient de Bucarest, où Nova a monté une radio nommée « Nova22 » pour accompagner en Roumanie la mise à pied du régime de Ceausescu, depuis le 22 décembre.
Alors, j'ai bougé, j'ai dû m'en aller, partir, bifurquer, j'ai dû m'évader, j'ai dû m'enfuir, j'ai dû partir, j'ai dû m'éclipser, j'ai dû me camoufler, j'ai dû disparaître, pour réapparaître… et entendre un jeune DJ de Normandie, Gilles Peterson, que Jean-François Bizot est allé chercher au fin fond de l’Angleterre – afin de faire résonner sa voix « worldwide », pour les trente prochaines années.
Réalisation, mixage : Guillaume Girault.
1991: promène ta langue de bon matin
« Quelle chance, quelle chance d’habiter la France. » Loïc Dury a raison : longue vie au rap et au raggamuffin. Sur Nova, en 1991, pas question de lâcher l’affaire, surtout pas l’année de sortie de trois albums fondateurs. Citons d’abord Authentik du Suprême NTM, « pur produit de cette infamie appelée la banlieue de Paris », qui souligne que « l’argent pourrit les gens » et s’impose en « haut-parleur d’une génération révoltée, prête à tout ébranler » pour reconstruire, bien sûr, Le monde de demain. Non loin de là, un break de batterie coule sur la FM et Claude MC Solaar nous avertit : Qui sème le vent révolte le tempo, en conseillant de ne pas devenir des « victimes de la mode ». Tandis qu’au Sud, un clan d’égyptophiles de dimension pharaonesque, IAM, fomente une attaque en règle venue …De la planète mars, deux ans après leur première mixtape intitulée Concept. En parallèle, le hip hop est déjà une source de parodies, parfois bien amenées, comme le rap « BCBG » des Inconnus, Auteuil Neuilly Passy, certifié disque de platine, qui cartonne sur Antenne 2.
Cette année-là, Terminator 2 de James Cameron, à l’époque film le plus cher de l’Histoire du cinéma, montre un androïde venu du futur pour empêcher l’enfer nucléaire et notre soumission à un ordinateur hors de contrôle – tandis que nous commençons doucement à nous familiariser avec l’image d’une toile d’araignée mondiale capable de nous aider à communiquer, le World Wide Web, inventé l’an passé par l’informaticien britannique Tim Berners-Lee. Sur Nova, une journaliste de 27 ans, « Elsa », diminutif d’Elisabeth Quin, anime notre toute première matinale, éberluée certains jours par « l’humus humain » qui l’environne « avec des DJs, des branleurs assez formidables et des éclats de rire ». Elle évoque (probablement) la mort de Serge Gainsbourg, de Miles Davis et de Freddie Mercury, la sortie scandaleuse du roman American Psycho sur un trader psychopathe fan de Whitney Houston, la trouille suscitée par le cannibale du Silence des Agneaux, la performance de Val Kilmer en Jim Morrison, Edith Cresson nommée Première Ministre, ce que nous dit la comédie Génial mes parents divorcent ! sur le plan sociologique, ou le succès brutal d’un trio grunge de Seattle nommé Nirvana, dont l’album Nevermind montre un bébé à poil dans une piscine le regard aimanté par un dollar. Elsa recommande aussi, sûrement, d’écouter le soundsystem de Tonton David ou les interviews de Bintou Simporé, qui reçoit pour la première fois deux pointures qui deviendront des habituées de notre antenne : le « scientifique du blues » américain, Gil Scott-Heron, ou la « diva aux pieds nus » du Cap-Vert, Cesária Evora.
En 1991, Radio Nova a dix ans et si tu m’crois pas, t’vas voir ta gueule à la récré. La guerre du Golfe est sur toutes les lèvres. Opération « Tempête du désert ». On voit Bagdad se faire bombarder en direct à la télé via des images vertes très bizarres, des Scorpions teutons nous percent les tympans avec un slow pacifiste sur le vent du changement, et le disque fondateur du trip-hop, Blue Lines des Bristoliens de Massive Attack, sort avec une pochette amputée du mot « Attack », jugé anxiogène. Pas facile de rester des Shinny Happy People, comme le chante R.E.M. En réaction à cette atmosphère pesante, Nova organise et diffuse pendant six mois des concerts le dimanche après-midi, sous la bannière « Aucun océan ne sous sépare ». Show must go on.
Réalisation, mixage : Guillaume Girault.
1992 : naissance du style Néo-Géo
People get up, and drive your funky soul ! En 1992,Radio Nova te rythme l’âme sans te coller le blues, grâce aux voix plaquées or de nos « jingles-stars », fournies par Chaka Khan ou Mister Jaaaaaaaaames Brown. Et puisque rien n’arrive jamais par hasard, qui trouve-t-on parmi les membres du comité de soutien du Godfather of Soul, qui vient de passer trois ans en zonzon ? Bintou Simporé. Queen B. lance son émission-phare, partie pour durer trois décennies, pas loin d’un record sur la bande FM : « Néo-Géo ». Réalisé par Fadia Dimerdji, Marc H’Limi ou Isabelle Gornet, ce rendez-vous hebdomadaire explore les « nouvelles géographies » musicales au gré des rencontres et des expérimentations, comme avec le Pakistanais Faiz Ali Faiz.
En 1992, quoi de néo côté géo-politique ? L’U.R.S.S., l’Union des Républiques Socialistes Soviétiques, a été dissoute. Douze états signent le traité de Maastricht et entérinent l’Union européenne et son drapeau bleu étoilé, alors que l’amitié franco-allemande crève l’écran via une nouvelle télé nommée Arte. Gérard Depardieu joue Christophe Colomb le colonisateur sanglant devant la caméra de Ridley Scott, à l’occasion des 500 ans de la « découverte » de l’Amérique. En Californie, une fusion rap-métal incarnée par les marxistes de Rage Against The Machine hurle son dégoût de l’impérialisme libéral et nous incite à nous réveiller, à connaître l’ennemi – tandis que Bill Clinton entre à la Maison-Blanche avec son sax’ et son cigare, qui s’allume peut-être en secret sur les beats g-funk de Dr. Dre ou face à Basic instinct et sa scène déculottée.
Tant qu’on y est, quoi de néo à la radio ? Dans cette contrée où un enfant de 4 ans, Jordy, atteint la première place du Top 50 en chouinant qu’il est Dur dur d’être un bébé ? Pleure pas, gamin : Dee Nasty revient sans Lionel D., trois mois seulement, avant de subir la visite... d’une trentaine de gars d’Aubervilliers. Un journaliste des Cahiers du Cinéma, Nicolas Saada, conte sa passion pour le 7e art à travers les bandes-originales et tout ça « sans notes » – pendant que les cinéphiles débattent des mérites de C’est arrivé près de vous, avec Poelvoorde, ou de Reservoir Dogs, écrit et mis en scène par jeune loup nommé Quentin Tarantino. Un fan de BD et de New Order, David Blot, passe un coup de fil au standard qui va changer sa vie. Sans oublier cet étudiant en philo, érudit et branché, Ariel Wizman, pigiste au magazine Actuel, qui démarre un programme estival farfelu baptisé Mouvements de jeunes dans lequel il entraîne un comédien des beaux-quartiers, génie de l’improvisation, nommé Edouard Baer. Ça va barder.
Réalisation, mixage : Guillaume Girault.
1993 : une Grosse Boule qui ravage tout sur son passage
Suite à l’arrivée tonitruante d’Ariel Wizman et Edouard Baer, Radio Nova n’est plus du tout, deux saisons durant, le pays du matin calme. Leur émission désormais culte, La Grosse Boule, dévale à toute berzingue sur les volcans de leur fantaisie et déploie son barnum grand-guignolesque de 7h à 9h. Un tout petit peu cadrés par la réalisation de haute volée signée, entre autres, Sébastien Boyer-Chammard, les deux Monty Pythons parisiens livrent des caisses de sketchs invraisemblables, de chansons absurdes et d’interviews sans filet d’invité.e.s décontenancé.e.s par leur bagout et la folie surréaliste à l’oeuvre. Tout peut arriver – une chorale de noctambules en after, les réponses monosyllabiques de Ben Harper ou le rendez-vous de « la pierre », ce pavé (supposément) ramassé par Bizot en mai 68, posé dans un coin du studio, qui leur permettait de couper la parole aux gens barbants en jetant ce caillou par terre, de toute leur force, avec des cris sauvages, telle une incantation chamanique. Pile l’année où les Enfoirés entonnent Le monde est stone.
En 1993, Bill Murray se réveille tous les matins, lui, en écoutant à la radio I got you babe de Sonny & Cher, piégé dans un perpétuel Jour sans fin. Steven Spielberg ressuscite les dinosaures dans Jurassic Park, tandis qu’on songe à cloner les disparus de l’année : Fellini, Ferré, Zappa ou Dizzy Gillepsie. C’est le début de la fin pour le 45-tours et les débuts internationaux de Snoop Doggy Dogg, Björk ou Jamiroquai, à l’heure où l’eurodance, formellement prohibée sur notre antenne, se répand sans limite – no, no, there’s no limit – de même que la pop suédoise d’Ace of Base, qui rêve d’une Happy Nation. Comme le dit très bien Elisabeth Quin, en goguette au festival de Cannes pour rencontrer les espoirs du cinéma brésilien ou coréen, Nova est maintenant « labellisée intello-barjo ». Et se paie le luxe d’imposer avant tout le monde Je danse le mia d’IAM à plusieurs heures de la journée, pavant la voie de cette ritournelle terriblement funky appelée à devenir le succès n°1 des rappeurs phocéens – alors que la maison de disques envisageait un autre single pour le double album Ombre et Lumière. Tu connais la suite. « Tout le monde se levait, des cercles se formaient, des concours de danse un peu partout s'improvisaient. Je te propose un voyage dans le temps. »
Réalisation, mixage : Guillaume Girault.
1994 : payé·e·s pour s’amuser
Prose combat contre la vie chère : en 1994, Nova s’insurge contre la hausse du prix de la merguez-frites avec MC Solaar et un auditeur au téléphone, invités de La Grosse Boule d’Ariel & Edouard. Quoi qu’il en coûte, la radio – média gratos – s’offre les services d’une jeune comédienne nommée Léa Drucker, qui interpelle dans la rue des inconnu·e·s pour les faire monter à bord de la « Tatie Mobile », ou de Frédéric Taddéi, chroniqueur curieux et désinvolte, qui « lit pour nous » des romans-marqueurs de leur temps comme Génération X de Douglas Copland, l’année de sortie de Baise-Moi (Despentes) ou d’Extension du domaine de la lutte (Houellebecq). Kurt Cobain cesse de lutter contre son mal-être en se servant d’un fusil et plombe toute une génération, qui chiale en écoutant l’album MTV Unplugged, ou le vague-à-l’âme sophistiqué de Portishead. Regarde les hommes tomber, dit l’affiche du premier long-métrage de Jacques Audiard. Le fondateur de l’internationale situationniste, Guy Debord, théoricien de « la société du spectacle », se suicide aussi à l’arme à feu, mais Serge Karamazov met enfin la main sur le tueur en série qui terrorise le festival de Cannes dans La cité de la peur. Chez nous, c’est la joie : pendant douze heures de direct, Nova fête la chanson française avec Juliette Gréco, Philippe Léotard, Malka Family ou Mad in Paris, qui rappe que Paris a le blues, que les gens ont les boules, que le manque de flouze et de temps les saoule – ce qui n’a pas beaucoup changé.
Au même moment, ta mère roule en Twingo en écoutant Mets de l’huile ou Mangez-moi mangez-moi mangez-moi et toi tu piques dans son sac de quoi t’acheter des pogs pour la récré. La Mano se sépare, mais Nas, qui n’est pas encore millionnaire, nous régale d’un freestyle pas naze à l’occaz’ de ses débuts gravés sur Illmatic. C’est la fin du magazine Actuel, mais la naissance de Nova Mag dans lequel un ancien pharmacien, Patrick Thévenin, qui couvre l’éclosion du mouvement house en France, s’étonne d’être« payé pour s’amuser » – alors que nos week-ends sont ensorcelés par les mix de Lord Zelko, Loïc Dury ou Gilb'r, à fond la caisse !
Réalisation, mixage : Guillaume Girault.
1995 : son nom est Debbouze, Jamel Debbouze
En 1995, Nova vit-elle un éternel printemps ? Comme le crie Björk, dans une explosion jazz : It’s oh so quiet. David Blot anime Tout ce qui bouge avec Léa Drucker, Ivan Smagghe et l’un des futurs ténors du journalisme mode, Loïc Prigent. Jusqu’ici, tout va bien : La Haine de Mathieu Kassovitz décroche le prix de la mise en scène à Cannes, puis le César du meilleur film – qui démarre par un DJ qui mixe à sa fenêtre, dans la cité des Muguets de Chanteloup-les-Vignes, Sound of The Police de KRS-One, Police de NTM et Non, je ne regrette rien d’Edith Piaf. Son nom : Cut Killer, qui débarque sur nos ondes avec le Cut Killer Show, entouré d’East et de DJ LBR. Les freestyles s’enchaînent, parfois écoutés par des fachos qui traquent le moindre dérapage verbal. Un aprèm, Method Man, méchamment jet-lagué, se roule des joints « monstrueux » et pète les plombs en hurlant torse nu debout sur la table. L'important, ce n'est pas la chute, c'est l'atterrissage. Y compris pour sa compatriote américaine Eileen Collins, première femme à piloter une navette spatiale en route vers la station MIR – alors qu’un nouveau studio d’animation nommé Pixar nous présente des jouets doués de parole qui rêvent d’aller vers l’infini et au-delà.
Pourtant, on le sait, le bonheur est dans le pré et d’après l’Australien George Miller, même les cochons peuvent devenir bergers. En cette année 1-9-9-5 capitale pour le hip-hop, Kool Shen & JoeyStarr content l’épopée graffiti dans Paris sous les bombes, tandis que Jacques Chirac, sans doute un peu porté par le succès de sa marionnette aux Guignols, accède à la présidence de la République et annonce un mois plus tard la reprise des essais nucléaires français. Un attentat au gaz sarin endeuille le métro de Tokyo. Dans Pulp, son ultime roman, Bukowski imagine que la Mort en personne engage un détective privé pour retrouver Louis-Ferdinand Céline – semble-t-il toujours vivant, à la différence du philosophe Gilles Deleuze, qui disait dans son Abécédaire : « Le vrai charme des gens c'est le côté où ils perdent un peu les pédales, où ils ne savent plus très bien où ils en sont. Ça ne veut pas dire qu'ils s'écroulent au contraire, ce sont des gens qui ne s'écroulent pas. Mais, si tu ne saisis pas la petite racine ou le petit grain de folie chez quelqu'un, tu ne peux pas l'aimer. On est tous un peu déments, et j'ai peur, ou je suis bien content, que le point de démence de quelqu'un ce soit la source même de son charme. »Et c’est un gros grain de folie qui va s’abattre sur nos studios à l’arrivée d’un jeune comique cinéphile de Trappes, Jamel Debbouze, avec ses 24 blagues par seconde, entraînant dans le sillage de sa tchatche en or massif l’irruptiond’une troupe de rigolos durables : Éric & Ramzy, Omar & Fred ou Michaël Youn. En 1995, le cinéma a cent ans… mais était-il prêt pour le cinéma de Jamel ?
Réalisation, mixage : Guillaume Girault.
1996 : l’université de l’underground
Ouh la la la ! Ready or not ? En 1996, alors que les Fugees, interviewés par Bashir N’Diaye et Laurent Bachet, se réfugient sur Nova pour un freestyle mâtiné de créole juste avant leur premier concert français, on apprend l’existence de la brebis Dolly, tout premier mammifère cloné au monde, tandis qu’une armée de jeunes et beaux garçons musclés à peu près identiques envahit le pays. C’est la mode, musicalement peu reluisante, des boys-bands, auxquels nous préférons de très loin les bad boys de Marseille célébrés par Akhenaton et la Fonky Family, en bons accros du micro. Mars attacks!, à la cool. Au lever, poste à fond, du bon son dans les oreilles. Par exemple : les reportages de Bintou Simporé et Jean-François Bizot à la Nouvelle-Orléans, l’actualité astiquée par David Blot dans son Blot Job, le punk électronique des barjos de Prodigy, la B.-O. de Trainspotting, et quelques découvertes pérennes : le groove à chapeau fourré de l’Anglais Jamiroquai, les ritournelles simples et funkys d’Alliance Ethnik dont nous avons joué les premières maquettes, ou les prescriptions thérapeutiques d’un ancien fonctionnaire du Ministère A.M.E.R., Doc Gynéco, 22 ans, qui t’emmène au Nirvana pour sa Première consultation – vendue à un million d’exemplaires. Au cinéma, La belle verte de Coline Serreau envoie une utopie extraterrestre nous avertir du péril climatique, pendant que 2-Pac passe l’arme à gauche sous les balles d’un règlement de comptes.
La vie est courte, les délices du bonheur substantiels / La mort frappe l'oiseau assassiné en plein ciel. Nous perdons très tristement, nous, l’un de nos animateurs : le rappeur East, qui meurt à 27 ans d’un accident de scooter sur le chemin de la radio. Peu de temps après, on l’entendra déclamer, au début du morceau L’Enfer sur L’École du micro d’argent d’IAM : « C'est clair, l'avenir ne nous réserve rien de bon / Vivant au jour le jour pour nous c'est la même de toute façon / Nous sommes toujours à l'heure, vivement le troisième round / East et Cut [Killer] tout droit de l'original underground. »
« L’université de l’underground » : la formule est habile et on la doit au journaliste et réalisateur David Brun-Lambert, pour parler de Nova. Qui raconte, outre les coulisses de nos toujours fameux Nova Mix, cette école du micro souvent désargenté, pas loin du burn-out (quand ce mot ne disait rien à personne), cette ribambelle de garnements érudits ou, comme le chante Eels, de beautiful freaks. Les tamagotchis squattent les poches des gamin·e·s et, scandale : la pub s’incruste sur notre antenne. Cédric Klapisch tourne une scène de Chacun cherche son chat sur le toit de la station, Aure Atika devient le visage d’une version télé de notre esprit métissé sur Paris Première. En 1996, notre radio a 15 ans et c’est une oasis pour les assoiffé·e·s de musiques rares : champagne, super Nova.
Réalisation, mixage : Guillaume Girault.
1997 : le service public des bons plans
Fortifier l’esprit d’équipe. Dernière saison de La Grosse Boule d’Ariel Wizman et Edouard Baer, qui s’arrête de rouler après toujours autant de sketchs et de bons plans perturbés, non sans scotcher Linda Lorin, standardiste et future matinalière, dans tous les sens du terme. Ariel, jamais rassasié, shake nos samedis avec Cocktail Time, « comme si on montait un film en direct, mais les rushes, ce sont les disques » (de musique easy listening, hawaïenne ou classique) grâce à la dextérité gourmande de son complice Jean Croc. Grand Master Dee Nasty re-revient sous la blouse de Dr. old school, avec un MC aux punchlines chirurgicales, Big Brother Hakim. Le couple malien Amadou et Mariam pensent à toi, mon amour ma chérie, au micro de Néo-Géo. Un tandem de tour operators gouailleurs, Jean-François Bizot et Rémy Kolpa Kopoul, nous guident dans une série de voyages improbables, en Amazonie ou au Kazakhstan, tandis qu’un guitariste cubain perd son dentier en plein live chez RKK ! Mais qu’en diraient les attaquants du Buena Vista Social Club ?
En 1997, de nouveaux joueurs rentrent sur le terrain de la pop culture mondiale : Harry Potter le sorcier binoclard, ou Monkey D. Luffy, petit pirate à chapeau de paille de la saga One Piece d’Eiichirō Oda, qui sera bientôt le manga le plus lu du monde. Pendant ce temps, à la surprise générale, le Clermont Football Club élimine le PSG en huitième de finale de la Coupe de France. Cantona prend sa retraite, mais Thierry Henry dispute son premier match avec les Bleus, et Ronaldo, 22 ans, devient le plus jeune lauréat du ballon d’or. Le Titanic remonte à la surface (puis, spoiler, re-coule) devant la caméra de James Cameron, Jeff Buckley se noie dans un affluent du Mississippi, Biggie se fait flinguer, Cousteau rejoint le monde du silence, Lady Di ne voit pas la sortie du tunnel sous le pont de l’Alma et la mort de Franquin nous donne des idées noires, m’enfin. Heureusement, depuis Oxford, Radiohead livre son chef-d’œuvre, OK Computer, dans lequel la police du karma arrête un homme qui grésille comme une radio déréglée. Chirac dissout l’Assemblée puis cohabite avec Jospin, qui ne donne aucune consigne gouvernementale concernant les Pokemons à attraper. Faut-il appeler les Men In Black pour tout oublier ? Demain c’est loin ? Pas tant que ça. Les mystérieux robots de la French Touch, Daft Punk, alias Thomas Bangalter et Guy-Manuel de Homem-Christo, racontent à Gilles Peterson – en anglais ! –, dans son émission Worldwide, la fabrication de leur fracassant premier album Homework, enregistré à la maison et destiné à faire danser around the world.
Réalisation, mixage : Guillaume Girault.
1998 : le nouveau maître des horloges
Il est venu le temps des cathédrales. En 1998, l’architecte Jean Nouvel, bâtisseur en chef de l’opéra de Lyon, de la Fondation Cartier ou de l’Institut du Monde Arabe, est l’invité de Jamel Debbouze dans son émission quotidienne de fin d’après-midi, Le KX, riche en interviews invraisemblables (avec Yves Mourousi ou Éric & Ramzy). Avons-nous, selon la formule de Jamel, « rendu service » à la France ? Par l’édification d’une maison virtuelle avec des briques de toutes les couleurs, où les fenêtres seront toujours préférées aux murs ? Comment ça va sur la Terre ? L’année du sacre d’une France dite « black-blanc-beur » qui remporte la coupe du monde de foot, et un, et deux, et trois zéros ? En 1998, la Déclaration universelle des droits de l’Homme a cinquante ans et Kim Jong-il est désigné chef suprême de la Corée du Nord. Une guerre éclate au Congo et Bashung ment effrontément sur l’album Fantaisie militaire. En Afghanistan, l’armée américaine bombarde les camps d’entraînement présumés d’un certain Oussama Ben Laden, tandis que des islamistes algériens assassinent le poète et chanteur kabyle Matoub Lounès – auquel les Toulousains de Zebda dédient leur album multi-platiné, Essence ordinaire, qui nous incite aussi à tomber la chemise, mais je crois que ça va pas être possible. Toute l’Amérique du Sud s’amourache d’un petit Parisien nommé Manu Chao qui voyage Clandestino, Lauryn Hill retrace sa mauvaise éducation sur son unique album solo et les Beastie Boys deviennent intergalactiques, alors qu’un duo de Versaillais nommé Air nous embarque pour un moon safari.
Et pendant qu’une épaisse saga pleine de loups et de dragonsnommée Le Trône de fer apparaît dans les librairies françaises, un nouveau « maître des horloges » est convoqué à la cour de Nova, à la demande du roi Bizot. L’arrivée de Bruno Delport, ancien directeur général de OUÏ FM, va provoquer une petite révolution copernicienne sur notre antenne. Suite à ses conseils, réalisateurs et animateurs ne sont plus séparés par une vitre et on met des micros pour capter la vie dans le studio. L’architecture de la grille des programmes, son rythme global, est réorchestrée – de même que la programmation musicale, classée par genres et en fonction des émotions que suscitent les morceaux choisis. On parle désormais de « rotation » pour certains titres emblématiques du moment, de « golds » et de « rare grooves » pour les chansons adorées du passé, ou d’un aphorisme paradoxal pour désigner notre tendance à ne jouer que des trucs chelous : « Plus c’est différent, plus c’est pareil. »
Ce nouveau cap dans la professionnalisation de la station, qui lui permettra d’acquérir de nouveaux auditeurs et, in fine, de durer, n’ira pas sans de vives contestations internes qui déplorent la fin d’une époque, le début du « formatage ». Pourtant, right here, right now, comme le crie le refrain big beat de FatBoy Slim, nous continuons de faire pousser – comme les immeubles dans la nuit du film Dark City – les talents de tous les âges. Un nouveau tandem, Yannick (Barbe) et Mélusine (Raynaud), dynamite nos matins de manière « ludique et poétique » avec des feuilletons-fleuves qui parodient le soap-opéra, comme La Grande Saga du Foin, La légende de Poire et surtout Baklava ou la toge écarlate. Et qui aurait pu croire que le vénérable Henry Chapier deviendrait à 65 ans un amateur éclairé de musiques électroniques qui tabassent, en after au festival Boréalis de Montpellier ? L’année de la première Techno Parade ? Oh, Henry ! Music sounds better with you !
Réalisation, mixage : Guillaume Girault.
1990 : Stop La Violence !
« À l’aube de l’an 2000 pour les jeunes c’est plus le même deal / pour celui qui traîne, comme pour celui qui file / tout droit », avaient prévenu les tontons de NTM sur leur quatrième album, dont nous ignorions à l’époque qu’il serait leur dernier. « De toute façon y a plus de boulot / la boucle est bouclée, le système a la tête sous l'eau / Et les jeunes sont saoulés. » Le 14 janvier 1999, un garçon de 22 ans est tué d'un coup de couteau dans un train, à Bouffémont (Val-d'Oise). Laisse pas traîner ton fils. Le journaliste Christophe Nick propose qu’un manifeste soit rédigé par des lycéen·e·s de banlieue et publié dans Nova Mag. Fort de dix règles susceptibles d’endiguer un mal qui ronge la société toute entière, le texte prend pour titre « Stop La Violence », inspiré par KRS-One – et ne parle pas que de règlement de comptes au pied des tours, mais aussi de violences sexuelles, conjugales et familiales. Canal+ s’en fait l’écho le jour de la sortie en kiosques, Le Monde et TF1 lui emboîtent le pas, médias et politiques s’emballent. Un documentaire télé sur le mouvement, dont le noyau dur provient d’une asso d’ados baptisée « Droit de cité » qui écrit des textes hip-hop dans un atelier, se prépare. Au moins trente jeunes, de Sarcelles, d’Argenteuil ou du XXe arrondissement de Paris, s’entassent dans nos studios. L’un d’entre eux souligne, pour expliquer la misogynie ordinaire : « Quand les rappeurs traitent les filles de pétasses et qu’on nous le bassine 24h/24 sur les ondes, forcément, il y a répercussion. » L’expérience se réitère toutes les semaines et un morceau est enregistré, avec un freestyle en béton d’une rappeuse de 18 piges nommée Diam’s.
Stop la violence, oui. Et partout si possible. En 1999, deux ados tuent treize personnes au lycée Columbine de Littleton, Colorado. Un pétrolier affrété par Total, l’Erika, fait naufrage au large de la Bretagne, souillant le littoral sur 400 kilomètres et causant la mort d’environ deux cents mille oiseaux. Une nouvelle édition du festival de Woodstock, trente ans après l’apothéose du mouvement hippie, est ruiné par une série de viols et la destruction des lieux par le feu, par un public enragé. Le gosse de Sixième sens, mis en scène par M. Night Shyamalan, voit des morts partout Les balles sifflent au ralenti mais nos vies sont des simulations d’après l’oracle de la Matrice des frères-bientôt-sœurs Wachowski. Une génération d’hommes déboussolés se retrouve dans des caves pour se défoncer la gueule et fomenter, sur les conseils d’un gourou schizophrène, un « Projet Chaos » censé rebattre les cartes du système – sujet du roman culte Fight Club de Chuck Palahniuk, devenu à son tour film culte réalisé par David Fincher. Car il y a de bonnes nouvelles, quand même. Fin de la guerre du Kosovo. Médecins sans frontières désigné prix Nobel de la paix. Solidarité Sida crée un festival de musique, Solidays, qui marquera les esprits. Cédric Klapisch embauche notre programmateur Loïc Dury pour la bande-originale de Peut-être, situé dans le Paris ensablé de 2070. Et on adore au présent les sauvageons animés de South Park, les mafieux névrosés des Soprano, le flat beat d’un oizo rare nommé Quentin Dupieux, le génie comique d’Andy Kaufman ressuscité par Jim Carrey dans Man on the moon ouDestiny’s Child et leur cheftaine affolante, Beyoncé Knowles, qui nous demandent de dire leur nom, dire leur nom.
Et sur Nova, qui ouvre des fréquences à Angers et Montpellier ? De nouveaux noms ? Oui. Une jeune journaliste de Villeneuve-la-Garenne, Aline Afanoukoé, traque les bons plans « au-delà du périph’ » et Keziah Jones sur la piste du Rex. Antoine Blin, futur réalisateur-animateur-producteur-reporter « tout ça à la fois », débarque de l’Hérault avec des idées héroïques, tandis que Manu Le Malin continue de nous éclater les oreilles avec le hardcore de son émission Extrême Terror. Mais cette violence-là, d’accord.
Réalisation, mixage : Guillaume Girault.
2000 : se balader sans demander son chemin
La super Nova a donc survécu au bug de l’an 2000. Est-ce l’heure du jubilé ? Quelles sont nos bonnes résolutions ? A-t-on atteint l’âge de raison, comme Bridget Jones ? Ou continuons-nous à être aussi intransigeant·e·s que le disquaire joué par Jack Black dans Haute fidélité de Stephen Frears, d’après le roman de Nick Hornby ? Une partie de la réponse se trouve dans Test, « laboratoire musical » animé par Ivan Smagghe avec l’aide Fany Corral, du lundi au vendredi de 19h30 à 22h, pendant quatre saisons épiques pleines d’invité·e·s et de lives incroyables, d’Iggy Pop à James Ellroy. Mais qui est cet Ivan, aux goûts terribles ? Disquaire de l’historique boutique indé « Rough Trade » rue de Charonne, ce DJ et musicien, sorti major de promo de Science-Po Paris, écoute dans son enfance Brigitte Fontaine et Soft Machine puis Violent Femmes et Sonic Youth, avant de découvrir l’éventail troublant des musiques électroniques nées sur les cendres du disco, grâce aux merveilleuses soirées du Boy. Dans Les Inrocks, où il pige en même temps que dans Nova Mag, le « prescripteur le plus désintéressé du moment », qui a « toujours eu peur de ne pas être différent », définit sa position de tir : « Je suis peut-être un passeur, mais pas un vulgarisateur ; un disque majeur qui ne me plaît pas, je ne me sens pas obligé d’en parler. Un disque mineur que personne ne trouvera et qui me plaît, je pourrais le jouer deux cents fois. » Dans la foulée, Nova produit une série de compil’s Test, qui annoncent les Nova Tunes. Ivan deviendra l’un des seigneurs de la nuit parisienne du début des années 2000, notamment via sa présence aux platines du Pulp, club lesbien des Grands Boulevards, ou par la suite grâce au label Kill The DJ.
Faut-il tuer les DJs ? En 2000, épaulée par Mirwais et coiffée d’un chapeau de cow-boy rose, Madonna chante que « la musique mixe la bourgeoisie et les rebelles », tandis que Daft Punk revient one more time ou que les trois compères du 113, qui comme chacun sait sont dans la chanson, célèbrent leur tonton du bled porté par un classique du raï samplé par DJ Medhi. Le Saïan Supa Crew déclare sa flamme à Angela, ce qui incite peut-être Disiz La Peste à péter les plombs. Notons que le millénaire qui démarre ne manque pas des raisons de devenir dingue, comme Marilyn Monroe dans Blonde de Joyce Carol Oates. Rendez-vous compte : le teigneux directeur des renseignements russes, Vladimir Poutine, est élu président de la Fédération de Russie dès le premier tour ; Radiohead parie que le premier enfant cloné existe déjà et lui consacre l’album Kid A, alors quel’Inde abrite désormais un milliard d’habitant·e·s ; Screamin’ Jay Hawkins et Tito Puente nous lâchent, tout comme le papa de Snoopy, Charles M. Schulz ; parti de Roissy, un Concorde à destination de New York s’écrase dans le Val-d’Oise et fait 113 morts. Heureusement, le tyran yougoslave Milosevic démissionne sous la pression de la rue et on commence à lire Persépolis de Marjane Satrapi. À l’antenne, un critique de cinéma venu de Toulouse, Alex Masson, rejoint l’équipe de Jamais sans mes fibres à Cannes, qui bitche grave pendant la cérémonie de clôture l’année du triomphe de Björk dans Dancer in the Dark de Lars von Trier. Et nous faisons la connaissance de deux grandes dames : la chanteuse algérienne aux 400 K7, Cheikha Remitti, en live et interview dans Néo-Géo, et Hadja Tabi, notre « tour de contrôle » et suprême intendante, qui nous protège et fait la chasse aux sheitans.
Au cours de cette introduction, vous ai-je menti, juste un peu ou compulsivement, comme le meurtrier Jean-Claude Romand raconté par Emmanuel Carrère dans L’Adversaire ? Pour le savoir, une seule solution : grimpez donc sur le dos de ce zèbre !
Réalisation, mixage : Tristan Guérin.
2001 : l’odyssée du Grand Mix
Suivre le rythme. Surtout quand Laurent Garnier, DJ, compositeur et producteur-passeur-pionnier des musiques électroniques, compagnon de Nova depuis 1990 et cette année-là audacieux programmateur anti-format, se réjouit d’une danse traditionnelle catalane, la sardana. En 2001, notre directeur Bruno Delport « pond une note » sur laquelle figure trois mots passe-partout qui aujourd’hui encore résument notre manière d’habiter la planète : « Le Grand Mix ». Tout mélanger, brasser, connecter, en ondes et en rondes. La même année, un vrai-faux groupe anglais baptisé Gorillaz, fondé par Damon Albarn (tête pensante de Blur) et Jamie Hewlett (dessinateur de la BD Tank Girl), qui n’apparaît que sous la forme d’affiches et de clips animés drôlement cools, sort son premier album homonyme, à la fois léger et sophistiqué. Style(s) du macaque : pop, trip-hop, hip-hop et tant qu’on y est, hop-hop-hop, dub, reggae, psyché, sample d’Ennio Morricone ou surprises hybrides en la présence chatoyante du chanteur cubain Ibrahim Ferrer ou de la section rythmique des Talking Heads. Est-ce que c’est ça, le panorama du Grand Mix ? Tu mets quoi dans ton iPod ? Que faire du rock revitalisé par les Strokes, ou du rap-R’n’B produit par Timbaland pour Missy Elliott, Dr. Dre pour Mary J. Blige, ou les Neptunes pour Britney Spears ? C’est trop mainstream ou quoi ?
Le monde tourne trop vite, claironne Gorillaz avec une désinvolture très début de siècle. Le 11 septembre, des avions s’écrasent sur le World Trade Center ainsi que sur le Pentagone. Le président américain George Bush Jr., fraîchement élu, part « en guerre contre le terrorisme » et bombarde l’Afghanistan. Au cinéma, l’ado Donnie Darko voit le réacteur d’un jet se crasher dans sa chambre – prétexte à un tourneboulant voyage dans le temps. Au Royaume-Uni, le Beatle George Harrison ne peut définitivement plus faire gentiment sangloter sa guitare et la station MIR se désintègre au-dessus du Pacifique Sud – comme l’affirme une nouvelle encyclopédie en ligne nommée Wikipédia. En Italie, Berlusconi revient – en même temps qu’Edouard Baer qui anime Secrets de femmes chaque vendredi dans un bar parigot, où son compère François Rollin annonce qu’il se présente aux présidentielles.
Harder, Better, Faster, Stronger. Tandis que s’élance sur grand écran une adaptation épique du Seigneur des Anneaux, où va la communauté de la No-va ? Vers un étrange méli-mélo nommé « la tournante » qui consiste, pour les six principaux animateurs de l’antenne, à changer d’émission (et, donc, de tranche horaire) toutes les semaines. De nouvelles voix déboulent, on dirait la famille Tenenbaum : le Toulousain Johann Roques, qui joue des mauvais tours à Jean Rouzaud ; l’éditeur et journaliste littéraire parisien Philippe Di Folco ; ou Tania Bruna-Rosso, journaliste aux Inrocks ayant étudié le théâtre, le mime et les marionnettes au Québec, qui remarque que nos studios ressemblent à un décor AB Productions « en version sale », ce qui est toujours plus marrant que celui de Loft Story ou le château de la Star Ac’. Sans oublier, déjà, un curieux dandy-réalisateur venu de France Culture, fan des Kinks et fou de radio, Marc-Alexandre Millanvoye, qui transforme en série de chroniques le livre-somme de Jean-François Bizot sur l’histoire de l’underground. Bizot, lui, repart à Kingston avec Taddéi pour rafraîchir ses oreilles. Pendant ce temps, un cinglé de reggae, le jeune Max Guiguet, futur Blundetto, qui arrive de Radio Campus Dijon et restera seize ans programmateur musical de notre station (record de longévité à ce poste), range patiemment notre gigantesque discothèque en la cartographiant par genres. « On s’en sort bien », comme disent les rappeurs francs-tireurs de Sniper. En 2001, Nova a 20 ans, poursuit son odyssée et commence à se demander : avons-nous, telle Amélie Poulain, un fabuleux destin ?
Réalisation, mixage : Tristan Guérin.
2002 : le joyeux mauvais esprit de Marca & Tania
Parfois la pêche est miraculeuse. En 2002, le « mariage forcé » de deux chenapans de la bande FM, Marc-Alexandre Millanvoye et Tania Bruna-Rosso, aboutit à la création d’une petite entreprise d’interviews, de détournements conceptuels et de vacheries « potaches et pointues » qui, pendant deux ans, ne connaît pas la crise. Leur émission quotidienne de fin d’après-midi, Work in progress, progresse et travaille à devenir incontournable chez les branché·e·s parisien·ne·s, comme une auberge espagnole où l’apéro démarre à dix-sept heures. Attrape-les si tu peux.
Le 21 avril, un autre sentiment est en progrès : la xénophobie. Pour la première fois, un parti d’extrême-droite arrive au second tour des élections présidentielles françaises. Pendant deux semaines, des milliers de personnes manifestent contre les idées du Front National, qui ont su séduire 4,8 millions d’électeurs. En réaction, jusqu’à la fin de la saison, Antoine Blin part chaque jour en reportage pour tenter de comprendre, auprès d’anciens soixante-huitards ou le temps d’une soirée de bouclage à Libé, la gauche déboussolée et les questions démocratiques en jeu. Chirac est réélu avec un score de despote, tandis que Marc H’Limi, au service de Nova depuis le mitan des années 80, devient directeur des programmes. Malicieux comme Le Chat du rabbin, Jean-Pierre Lentin & Ariel Kyrou racontent la grande histoire des musiques électroniques, quelques mois avant la mort de Joe Strummer, dont le coeur clashe. On se passionne pour la vie d’une famille de croque-morts dans la série Six feet under sur Canal Jimmy, alors que le sociologue Pierre Bourdieu perd son combat contre la faucheuse et franchit le boulevard du crépuscule la même année que le cinéaste Billy Wilder – tout comme Sextoy, icône techno tatouée d’une génération de femmes DJ. Le franc quitte nos poches au profit de l’euro et le grand public découvre les battles hip hop via 8 mile avec Eminem dans son propre rôle. Au même moment, une improvisation d’Edouard Baer en scribe égyptien, perdu sous les pyramides de l’adaptation d’Astérix par Alain Chabat aux 14 millions de spectateurs, devient instantanément culte.
C’est une bonne situation, ça, stagiaire ?, pourrait-on demander à Mélanie Mallet, 20 ans, qui assiste Philippe Vecchi et Aline Afanoukoé dans la préparation du Nova Club, de 20h à 22h, comptant parmi ses chroniqueurs une certaine Alessandra Sublet, tout en recevant aussi bien les ambassadeurs du Groland que les stars du X. Embrassez qui vous voudrez. Dix-huit ans plus tard, Mélanie deviendra la patronne de la station, en passant par ce poste-clé : le standard. Allô ? Excusez-moi, d’où vient cet incroyable pianiste nommé Gonzalez qui invite Feist et Guesch Patti à chanter le même refrain dans deux langues différentes, en simultané ? Et Kung-fu fighting dans La Cité de Dieu du Brésilien Fernando Meirelles, c’est cool, não ? Tant que j’y suis, pourriez-vous remettre la ballade de cette jeune chanteuse, Camille, dans laquelle elle affirme en sautillant qu’elle veut se barrer de Paris ?
Réalisation, mixage : Emmanuel Baux.
2003 : Chapier perché
Hey ya ! Si notre mystérieux reporter bistrologique Brice Lee a échoué à trouver le fils du Père-Lachaise, constatons qu’en 2003, de nombreuses étoiles rejoignent leur dernière demeure : ciao Nina Simone, Johnny Cash, Compay Segundo, Barry White ou, hors musique, Marie Trintignant et Maurice Pialat. Pas besoin d’être une vedette internationale, d’ailleurs, pour quitter cette planète en surchauffe les pieds devant : près de 20 000 Français·es meurent sous l’effet de la canicule qui frappe l’Europe cet été-là. Mais c’est aussi en 2003 que naît, en Suède, l’une des futures figures de la lutte contre le réchauffement climatique : Greta Thunberg. Anticapitaliste et écologique, le mouvement altermondialiste tonne et donne de la voix dans le Larzac, à Genève ou à Porto Alegre. À la tribune de l’ONU, la France refuse de s’allier à une intervention armée en Irak. Le rock lui-même, ce T-Rex qu’on croyait près de la retraite, n’en finit plus de ressusciter avec un faux duo de frère et sœur à rayures nommé The White Stripes. Des bandes blanches sont aussi peintes au sol pour délimiter les décors extrêmement minimalistes du dérangeant Dogville du Danois Lars von Trier. Qu’en pense notre vénérable critique cinéma, Henry Chapier, dandy à lunettes d’écaille qui fête ses 70 ans ?
Dans son dos, sur une idée de Marc-Alexandre Millanvoye promu rédacteur en chef, la réalisatrice Héloïse Delaunay fabrique chaque jour sur des canulars téléphoniques à partir de phrases absurdes volées à Chapier entre deux chroniques filmiques. Assortie du générique des Schtroumpfs, la rubrique devient vite un rendez-vous attendu de l’émission Work in progress. Tout comme Les vingt minutes les plus chères de la bande FM, qui samplent des questions de Thierry Ardisson, Pascale Clark ou Michel Drucker, auxquelles répondent les Rita ou MC Jean Gab’1, tout auréolé du succès de son single-bazooka J’ t’emmerde dans lequel il allume les ténors du rap français – tandis que Diam’s, bientôt disque d’or, veut juste kiffer la vibe avec ceux qu’elle aime. Autre moment du programme : les bons plans incruste, pour aider crevardes et demi-mondains à torpiller les vernissages du temps béni des open-bars. Combien d’entre vous, d’ailleurs, se sont pointé·e·s en loucedé à nos soirées sur la terrasse du 33 rue du Faubourg Saint-Antoine, avec vue sur le génie de la Bastille ? Et l’incruste de Laurent Garnier qui prend l’antenne sans prévenir avec Juan Atkins et les fondateurs du label techno indé de Détroit, Underground Resistance, pour deux plombes de mix en impro, parce qu’il n’en peut plus d’entendre Blur sur notre antenne ? On en parle ? Et ces dix heures de fête non-stop organisées par Nova dans vingt-cinq lieux à Pigalle, au cours desquelles on entend sûrement Crazy in love de Beyoncé, la B.-O. de Kill Bill ou The World is coming to my party de Cody Chesnutt ? C’est parti mon kiki.
Réalisation, mixage : Mathieu Boudon.
2004 : c’est ici que le zèbre chante ses nuits
Dans son livre Vaudou & compagnie, histoires noires de Abidjan à Zombies, Bizot écrit : « Je voudrais ici rendre hommage à Jean Rouch qui m’a, le premier, immergé dans le monde africain quand j’avais vingt-cinq ans et des clichés à en boucher le nez. Jean Rouch m’a fait toucher l’histoire vivante de l’Afrique, de ses peuples, ses royaumes et ses empires. » Pionnier du cinéma ethnographique, auteur d’une centaine de films (au cœur d’une secte ghanéenne, chez les chasseurs de lion, ou les danseurs dogons du Mali), Jean Rouch meurt au Niger en 2004 au cours d’un accident de voiture, de nuit. C’est aussi la nuit qu’Aline Afanoukoé reçoit, éclairée à la bougie, dans son cabinet de curiosités musicales intitulé Novamix, un tout nouveau duo parisien, Justice – qui vient de remixer Simian et ne sera plus jamais seul. Leur électro qui tabasse, pop et brutale, au succès phénoménal en queue de comète de la French Touch, va s’affirmer comme l’un des repères esthétiques de la décennie, comme d’autres productions du label Ed Banger tout récemment monté par Pedro Winter, manager de Daft Punk. Sur Nova, on joue également l’obsédante Ritournelle de Sébastien Tellier, les bricolages funkys-dub de Sporto Kantès (Yo Leeroy!), ou la bossa lumineuse du Brésilien Seu Jorge, embauché par Wes Anderson pour reprendre Bowie dans le sous-marin loufoque de La vie aquatique.
Dans le grand bain de cette année-là, deux hommes sont mariés à Bègles par un élu de la République alors que la loi ne le permet pas encore. Un étudiant de Harvard crée avec quelques camarades un réseau informatique fondé sur le principe du trombinoscope, baptisé « Facebook ». Le Hong-Kongais Tony Leung joue un écrivain qui se souvient de ses histoires d’amour dans le somptueux 2046 de Wong Kar-wai, tandis que Jim Carrey efface de sa mémoire sa rencontre avec Kate Winslet dans Eternal sunshine of the spotless mind, réalisé par le Français Michel Gondry. Difficile d’oublier, à Nova, que l’un de nos journalistes, Julien Fouchet, 27 ans, a été enlevé en Colombie et retenu en otage durant un mois et demi par des paramilitaires d’extrême-droite, alors qu’il souhaitait contacter l’Armée de libération nationale (ELN) dans un massif montagneux de la côte Caraïbes, au nord de Bogotá.
Pendant ce temps, Nova Mag publie son dernier numéro et de nouvelles recrues (Isadora Dartial, Franck Haderer, Liz Gomis, Emilien Aumard) viennent grossir les troupes de la station, qui se structure autour d’une véritable grille des programmes pensée comme « un bug sur la bande FM » avec mission de « perturber » le ronron des ondes, dixit Antoine Blin, réalisateur et co-animateur de la matinale avec Emmanuel Gouache et qui, par exemple, couvre pendant deux semaines une (vrai) course de dromadaires dans le désert tunisien. Le tout, en ouvrant leur refuge à une jeune chroniqueuse, Mathilde Serrell, qui cause activisme et désobéissance civile. Un nouveau module surgit quatre à cinq fois par jour, sur une idée de Marc H’Limi : le Sonar, collage sonore quotidien sur l’actualité politique et sociale, sans aucun commentaire. S’intercalent également des tops horaires gouailleurs, qui dureront quasiment vingt piges, fabriqués à partir de la collection de vieux films de Jean Croc. Le seul moyen de passer le temps, c’est de jouer à la roulette russe. Mais l’événement de notre antenne, c’est la création d’un programme qui servira de vitrine à notre antenne pendant dix-huit ans, d’abord à Paname puis à travers la France : Les Nuits Zébrées, concerts gratuits à haut potentiel de transe collective limite vaudoue, qui démarrent à la Scène Bastille, animées avec flamme par Aline, produites par Ruddy Aboab, sur une intuition originale de Marca.
Réalisation, mixage : Mathieu Boudon.
2005 : je veux prendre ta douleur
Le 1er janvier 2005, Radio Nova démarre l’année avec la pire des gueules de bois. Notre « Tintin post-moderne », Marc-Alexandre Millanvoye, est mort accidentellement au terme d’une nuit de réveillon, à 31 ans. Toute l’équipe est sous le choc, de battre son coeur s’est arrêté. Il faut pourtant reprendre le micro. L’hommage rendu à l’antenne se prolonge sur la piste du Rex, avec des lives de Cosmo Vitelli, Laurent Garnier ou Keren Ann.
Hors Nova, une ambiance étrangement sombre plane sur 2005. De janvier à juin, des comités de soutien travaillent à la libération de Florence Aubenas, journaliste à Libération, et de son guide Hussein Hanoun, séquestrés en Irak – ce que nous raconte la rubrique Deux minutes de réel conçues par Mathilde Serrell, Antoine Blin et Isadora Dartial comme un plan-séquence avec des sons bruts. En mai, Trois enterrements, western crépusculaire de Tommy Lee Jones, remporte le prix du scénario au festival de Cannes. En juin, un môme de 11 ans est tué devant chez lui à la Courneuve (Seine-Saint-Denis) de deux balles perdues. En réaction, Nicolas Sarkozy, ministre de l'Intérieur, affirme vouloir « nettoyer au Karcher la cité des 4000 ». Fin août, l’ouragan Katrina ravage la Louisiane et notamment la Nouvelle-Orléans ; sur place, un rappeur et producteur de rap nommé Kanye West, remarqué pour l’inventivité de son premier album The College Dropout, interpelle George W. Bush à la télévision en considérant que le président américain « ne se préoccupe pas des Noirs ». En octobre, deux adolescents meurent électrocutés dans un transformateur EDF de Clichy-sous-Bois, en tentant de se soustraire à un contrôle de police. L’événement déclenche de très nombreuses émeutes en banlieue, pendant trois semaines, à tel point que le gouvernement proclame l’état d’urgence. Fin novembre, BFM-TV, une chaîne d’information en continu, se crée pour devenir ce fleuve de passions tristes : polémiques en boucle, experts en toc, racolages sensationnalistes.
Pourtant, tout n’est pas déprimant – loin de là. On peut tuer les zombies culturels à coups de vinyle dans la gueule, comme à la fin de la comédie anglaise Shaun of the dead. Remonter jusqu’à l’extrême-amont de la motivation, tels les courageux « hordiers » qui font bloc pour avancer à « contrevent » dans le best-sellerd’Alain Damasio. Première greffe réussie du visage sur une femme de 38 ans, mordue par un chien. Au même moment, un réalisateur très drôle venu de France Culture, Armel Hemme, nous rejoint et tombe le masque : depuis deux ans déjà, c’était lui, « Brice Lee », reporter du zinc. De son côté, Rémy Kolpa Kopoul découvre une jeune chanteuse cap-verdienne à la voix d’émeraude, Mayra Andrade. Le film Broken Flowers de Jim Jarmush augmente l’intérêt du public pour l’éthio-jazz, ardemment défendu sur nos ondes depuis le milieu des années 80. Coiffé de trois Césars, Abdellatif Kechiche rappelle dans L’Esquive, si besoin, que les jeunes des cités savent charmer en déclamant Marivaux et son jeu de l’amour et du hasard. La sonde Huygens, envoyée par l’Agence Spatiale Européenne, se pose sur l’une des lunes de Saturne près sept ans de voyage. Lors d’une Nuit Zébrée mythique, les Néo-Zélandais de Fat’s Freddy Drop et leur fanfare dub-reggae-soul mettent les spectateurs en apesanteur. À minuit, pendant deux ans, la voix de synthèse qui présente Home Radio fait de Nova la première antenne FM à proposer des podcasts, en donnant un espace aux créations sonores bizarres. Quand elles sont bien choisies, paroles et mélodies restent inoubliables. Comme le chante Camille sur son deuxième album Le Fil, qui bourdonne : « Lève-toi c'est décidé / Laisse-moi te remplacer / Je vais prendre ta douleur / Doucement sans faire de bruit / Comme on réveille la pluie / Je vais prendre ta douleur / Elle lutte elle se débat / Mais ne résistera pas / Je vais bloquer l'ascenseur / Saboter l'interrupteur. »
Réalisation, mixage : Benoît Thuault.
2006 : l’effervescence de l’éléphant
Un quart de siècle ! En 2006, Nova célèbre se noces d’argent avec le public et ne coupe pas le son, contrairement à Philippe Katerine qui, sur son album Robots après tout, confie pourtant qu’il adore regarder danser les gens au bar du Louxor. Notre anniversaire se fête un dimanche soir en très grandes pompes dans les 12 500 m² de la Nef du Grand Palais, à Paris, avec DJ Medhi, Amadou et Mariam, Rachid Taha, Saïan Supa Crew, Bumcello, Grand Master Dee Nasty ou l’Allemande Ayo – dont la complainte soul acoustique Down on my knees tourne en rotation lourde. Accompagné d’un DVD documentaire de 3H30 d’archives vidéo (aujourd’hui disponible sur YouTube), un livre sort en kiosques avec 25 ans d’histoires, « ponctuées de causes et d’actes aussi gratuits que l’est une radio pour un auditeur », écrit Jean-François Bizot en ouverture. « Pour vivre, survivre, Nova a affirmé sa liberté face aux autorités de tutelle, celles d’avant le CSA. Avant qu’on ne comprenne à quel point Nova a vocation à figurer dans les grandes agglomérations. »
On nous capte désormais aussi à Angers, Boulogne-sur-Mer, Dreux, Limoges, Marseille, Montpellier, Nantes et Pau. Cela mérite une n-ovation ! Et notre sachem de faire le bilan, calmement : « Il est passé du beau monde dans les locaux (…) Quand on écoute les épanouis de la réussite, les entortilleurs de causes (…) ou les filles à la voix d’or qui passent plus vite que l’éclair, oui, quand on les revoit tous avec amour, fierté et cette complicité puissante (…), eux qui ne sont devenus rien de plus que ce qu’ils étaient, puisqu’ils étaient si forts qu’ils n’avaient rien besoin de devenir (…) En regardant dans le rétroviseur de Nova (…), on sent qu’il va falloir assurer pour participer aussi fortement aux vingt-cinq ans qui se profilent, avec leurs nationalismes, leurs enfermements, leurs âpretés (…), faire attention aux humeurs de la banque si l’on refuse d’être dompté. »
L’animal indompté qui ne trompe pas, dans ce contexte, c’est L’Éléphant effervescent, baptisé d’après une chanson de l’ex-Pink Floyd Syd Barrett (qui meurt en 2006, comme Ray Barretto, Ali Farka Touré, J Dilla et même Sa Majesté James Brown, le jour de Noël). Animée par Mélanie Bauer, transfuge de Ouï FM, cette émission quotidienne, qui parvient à aligner un live par jour et n’oublie pas de jouer Baxter Dury, Amy Winehouse ou Le Chercheur d’or d’Arthur H, voit démarrer un jeune critique littéraire : Augustin Trapenard. Nouveaux pilotes de nos matins, Armel Hemme et Mathilde Serrell s’octroient les services de deux reporters farfelus, Jean-Philippe Lagarde et Mélanie-George Mallet, et ne parlent probablement pas du coup de tête de Zidane en finale de coup du monde, mais plutôt : de la création de Twitter, d’une extraordinaire série sur Baltimore baptisée The Wire, de l’épidémie de chikungunya à la Réunion, de la sortie de Borat ou d’OSS 117 avec Dujardin en athlète des sourcils, de Justin Timberlake produit par Timbaland, des deux cowboys in love de Brokeback Mountain, du premier tome de la BD Aya de Yopougon récompensé à Angoulême, du groupe Phoenix en perruques dans le biopic de Marie-Antoinette, de la France qui décrète une journée nationale pour commémorer l’abolition de l’esclavage, du succès d’un trilogie suédoise nommée Millenium, voire de la pendaison de Saddam Hussein en Irak – où se crée, dans l’ombre, une organisation terroriste appelée Daech.
Le dernier mot est encore de Bizot : « Nova a besoin d’agrandir son espace pour progresser. Et plus question de la fermer. Comme on disait sur nos badges de 1981 : pas question de mollir. »
Réalisation, mixage : Benoît Thuault.
2007 : un moment de faiblesse
Avec force, et un art monstrueux du montage, ils affirment pratiquer la « caricature tranquille ». Chaque dimanche soir pendant deux ans, les deux punks de première classe planqués derrière les pseudos de « Polémix et La Voix Off » piquent, repiquent et remixent les petites phrases et polémiques nulles de nos politiques, pour « créer une chambre médiatique absurde », parfois secondés par un énigmatique « DJ Flashball ». Ce brillantissime bulletin de « déformations », souhaité comme « iconoclaste et hirsute », encore porté de nos jours (en ligne et sur d’autres ondes) par le Tourangeau Jean-Baptiste Diaz, nous a permis de rire et de respirer. Ce n’était pas toujours fastoche, en 2007. Un procès démarre contre Charlie Hebdo suite à la publication de caricatures de Mahomet, qui auront des conséquences tragiques. Il y a des phases plus légères, comme notre feuilleton matinal Plus belle la France, lui aussi riche en détournements (avec, parfois, les doubleurs des Simpson). N’oublions pas non plus la candidate du Parti Socialiste, Ségolène Royal, qui déclare lors d’un voyage en Chine, en pleine campagne présidentielle : « Qui n'est pas venu sur la Grande Muraille n'est pas un brave, et qui vient sur la Grande Muraille conquiert la bravitude. »
Il fallut rester braves, lucides et drôles, à l’annonce de la victoire de Nicolas Sarkozy – qui, dès le lendemain de son sacre, part se reposer au large de Malte sur le yacht de son ami Vincent Bolloré et laissera un généreux dictateur libyen, Mouammar Kadhafi, planter sa tente dans les jardins de l’hôtel de Marigny. Entre Jamel et Diam’s, vénères et dépité·e·s, la tribu Nova se réunit au micro, apaisée par Jean-François Bizot qui relativise, en poussant à la réflexion la génération nan nan. Mais pressent-il lui-même qu’en coulisses, un ancien du magazine Actuel, Bernard Kouchner, se joindra au gouvernement « d’ouverture » formé par François Fillon, en tant que ministre amer des Affaires étrangères ?
Sortez les briquets. Dans Le Deuxième sous-sol du Grand Magasin, c’est-à-dire au milieu des archives poussiéreuses d’Actuel et de Nova Mag, Aline Afanoukoé inaugure un concept d’interview inoubliable… dans le noir complet. Un moment de vérité « à part », où la journaliste encourage les âmes à se livrer comme jamais : « Pose ton sac, vide-le et après, tu te sens bien. » Régine, reine de la nuit parisienne, sera décontenancée par cette « cave à charbon », tandis que Christiane Taubira, députée de la Guyane, piquera une saine colère… noire. En pleine lumière, Rémy Kolpa Kopoul, a. k. a. l’inspecteur La Galette, s’enjaille au bal du Contrôle discal, une « perquisition musicale » de ses invité·e·s. Qu’auraient pu répondre à ça les Britons de Radiohead qui proposent à leur public de payer le prix de leur choix, donc parfois zéro euro, pour télécharger leur nouvel album arc-en-ciel ?Dans les couloirs, on sifflote New soul de Yael Naim ou la folk barbue de Herman Düne, tout en musclant nos convictions féministes en lisant King Kong Théorie de Virginie Despentes. On se familiarise avec l’idée de l’effondrement via Je suis une légende (Will Smith seul à New York dévastée par un virus, face à une armée de morts-vivants), ou l’épopée grisâtre d’un père, d’un fils et d’un caddie sur La Route de Cormac McCarthy (prix Pulitzer). Et puis…
Citizen Bizot meurt en septembre, à 63 ans. C’est tôt. Dans le livre Un moment de faiblesse (Grasset, 2003), son « plus long reportage » sur la guerre menée contre le cancer qui le « squatte », il écrivait : « Plusieurs regards possibles quand on révèle qu’un crabe grouille dans le ventre. Ceux qui, droit dans les yeux, laissent passer une brume dans le regard. Cette humidité seule vous fait l’amour. Ceux qui l’ont vécu, le vivent, vous accueillent au club, flegmatiques comme un barman élégant (…) Le cancer est une maladie philosophique ; on ne peut le remercier qu’en le mettant KO mais la lutte reste un cours particulier sur l’épistémologie des émotions. » Proches et disciples se réunissent pour la veillée. Dans Libé, ses copains Van Eersel et Mercadet signent une nécrologie exemplaire, où piocher des mantras : « Jean-François Bizot nous a quittés à l'âge de 126 ans. Vivre jour et nuit pendant 63 ans, le compte y est. Il n’avait peur de rien, mais il était terrifié à l'idée de devenir un grand bourgeois comme il faut. Il avait peur du "bon goût" (…) Peur de ne rien faire. Ses mots clés : "Bougez ! se remuer le cul ! Vite ! " Peur de mourir, terriblement peur. Encore qu'à cet égard, cinq années de lutte exemplaire contre Jack, ainsi qu'il nomma le rongeur, avaient à l'évidence opéré en lui des métamorphoses essentielles (…) La vie continue. La vie sans Bizot commence. »
Réalisation, mixage : Benoît Thuault.
2008 : debout, la radio « bordélastique » !
En juin 2008, un incendie se déclare par accident dans un arrière-studio d’Universal à Hollywood. Pendant douze heures, plus de cent mille bandes analogiques sont détruites, emportant des originaux de Snoop Dogg, Ella Fitzgerald, Nirvana, Yma Sumac, R. E. M., Al Green, Burt Bacharach, les Who, Billie Holiday ou Sonic Youth. Le New York Times déplore « le plus grand désastre de l’industrie musicale ». Vivre le deuil de quelqu’un, d’un collègue et ami à l’intelligence goguenarde, puis d’un chef gourmand aux idées magiques, est-ce comme voir… brûler une bibliothèque – selon la formule de l’écrivain malien Amadou Hampâté Bâ à la tribune de l’Unesco, re-tricotée par son confrère américain Edmund White ? Lentement mais sûrement, Nova « se relève de ses morts », comme dit Mathilde Serrell, en fredonnant ce blues sans âge de Moriarty, menés par Rosemary Standley, qui se souvient d’un vieux buffle nommé Jimmy. Mathilde insiste aussi, dans cet épisode, sur la finesse de la sélection musicale de Max Guiguet et Emile Omar, programmateurs diggers de pépites : la cumbia revisitée par l’Anglais et Colombien d’adoption Quantic, le spleen long-courrier d’un barde du Nouveau-Mexique au pseudo de capitale libanaise (Beirut), le groove politisé de l’Anglo-Pakistanaise M. I. A., le retour soul de Sharon Jones & ses Dap-Kings, la pop afro des blancs-becs bon teint de Vampire Weekend ou les harmonies d’un fils de pasteur jamaïcain, Winston McAnuff, qui réveilla notre première Nuit Zébrée marseillaise. Pendant ce temps, Gilles Peterson ambiance des soirées cubaines et introduit RKK au clubbing, en tant que DJ-bientôt-star à bretelles. Notre bande-originale.
Entre nos murs, alors que la Palme d’Or revient cette année-là à Laurent Cantet pour son portrait d’une classe de collège parisien réputée difficile, on parle pas mal de cinéma. Du fond crémeux de leur émission dominicale baptisée Le Pudding qui durera quinze ans, Jean Croc et Nicolas Errera reçoivent John Malkovich, pour savoir ce qui se passe dans sa tête. L’année de sortie du premier Iron Man, qui lance la domination régressive de « l’univers Marvel » appelée à phagocyter la pop-culture mondiale, notre critique Alex Masson salue la puissance d’un premier long-métrage produit par Kassovitz, Johnny Mad Dog de Jean-Stéphane Sauvaire, adapté d’un roman d’Emmanuel Dongala sur les enfants-soldats. Agnès Varda manque tomber d’un bateau en excès de vitesse par notre faute, Jean-Claude Van Damme évoque ses parents en discothèque et… on réécoute avec chagrin les messages que Guillaume Depardieu laissait sur notre répondeur, dont celui-ci : « Je vous appelle en direct de ma solitude, si soudaine et si prévisible. Et je compte sur vous tous pour mettre un peu de SANG dans vos textes, dans vos films, dans vos espoirs, dans vos cris, dans vos rires – s’il en reste. »
Yes we can! Barack Obama devient le premier président noir des Etats-Unis. Des espoirs, il en reste. Dans Le Monde de Demain, bulle d’anticipation poursuivant sa voie l’année de la triomphale reformation du Suprême NTM, Antoine Blin se projette chaque matin dans le futur, le temps d’un flash info qui exacerbe les préoccupations du moment (enfermant la société dans une épidémie « de grippe folle » avec protections d’hygiène encadrées par l’Etat, non mais vraiment, n’importe quoi). Bref, notre radio « bordélastique » tient toujours debout.
Réalisation, mixage : Emmanuel Baux.
2009 : l’art mouillé des Grandes Tournées bidouillées
On dirait que le sort s’acharne. Cofondateur du magazine Actuel, fidèle compagnon de route de Nova dont il fut un éphémère directeur dans les années 80, Jean-Pierre Lentin disparaît début mars, d’une crise cardiaque, à 58 ans. On pouvait le lire dans Sciences et Avenir, Libé, Le Canard Enchaîné, dans son ouvrage L’Encyclopédie des merveilles sur les plus belles images de la science, dans ses nombreuses enquêtes à propos des dégâts des ondes électromagnétiques, dans ses documentaires sur les drogues, on pouvait voir ses réalisations sur Canal+ dans l’émission culte L’Oeil du Cyclone, ou l’entendre sur notre antenne à minuit dans l’émission Out of the blue, qui présentait la sélection de notre « coffret bleu » dont il était l’un des orfèvres. Juste avant sa mort, Jean-Pierre projetait de créer un programme « sur les musiques innovatrices », qui aurait pu devenir un livre intitulé À la recherche de la musique qui cherche.
Alors, dans cette période de deuil dur-dur qui dure, Nova prend l’air. Et décide de partir chaque été en Grande Tournée à travers les villes où nous avons (ou aurons bientôt) une fréquence, posant ses consoles, micros et peaux de zèbres dans des bars, sur les places ou sous les chapiteaux des festivals ; ainsi, à Avignon, avec Mélanie Bauer, marquée par un drôlement joli concert du funambule flegmatique aux doux trois-fois-rien Mathieu Boogaerts. Mathilde Serrell, elle, repart au Combat, titre d’un rendez-vous sur l'activisme contemporain imaginé comme un « manuel d'entraînement pour tous les gabarits », sur « la contestation rigolarde, festive, mutante », ce « bourgeonnement de nano-révolutions » en cours depuis le début des années 2000. « S'engager aujourd'hui, écrira-t-elle qui dans le bouquin qui en découlera (publié où ? Chez Nova Editions !), c'est cultiver son miel en ville, uriner sous la douche pour économiser l'eau ou empêcher une expulsion. À chacun ses mini-prises de la Bastille. » Exemple : en 2009, de vraies-fausses « manifs de droite », montées par des artistes de rue grimés en bourges à serre-tête, parodient le bling-bling du président Sarkozy. Et, à l’aube des cinquante ans de la sortie française de Sur la route de Kerouac, focus sur les nouveaux clochards célestes avec éloge de la paresse des « branleurs inspirés ».
Cette année-là, dans Néo-Géo toujours animé par Bintou Simporé, Isadora Dartial interroge un sacré bosseur : le romancier, poète et philosophe martiniquais Edouard Glissant, auteur du concept de « créolisation », qui encourage à vivre « l’imprévisible », l’inédit qui naît grâce à la « mise en relation » des cultures du monde, lesquelles « s’intervalorisent » dans un partage consenti. Voyez comment la présence enfumée des jardiniers jamaïcains du collectif roots-reggae Inna Di Yard bouleverse la population de la station !
Pendant ce temps, des notifications tombent sur nos premiers i-Phone. Éclipse solaire totale, la plus longue du vingt-et-unième siècle. Bashung délaisse les grands axes et prend la contre-allée vers l’irréel, avec imprudence. Tout comme Lux Interior (des Cramps), Ron Asheton (des Stooges) et Michael Jackson, qui venait pourtant d’annoncer son come-back. Polanski, lui, est incarcéré en Suisse pour ses agressions sexuelles à la suite d’un mandat d’arrêt international émis par les Etats-Unis. Un jeune rappeur de Caen nommé OrelSan se déclare perdu d’avance. La fable écologique en 3D de James Cameron, Avatar, contre l’impérialisme colonial et militaire, bat tous les records. Le dessinateur Winshluss revisite Pinocchio façon punk. Et sur la dernière compil’ Nova Tunes, la rumba infirme survitaminée des Congolais du Staff Benda Bilili côtoie les lamentations romantiques d’Eels, qui médite sur un regard qui ne lui était pas destiné. Dans le cyclone de l’actu, il est bon de garder un œil sur Nova.
Réalisation, mixage : Mathieu Boudon.
2010 : transhumance et faux-plafond
Les glaciers fondent, mais ça continue de chauffer dans les étages du 33 rue du Faubourg Saint-Antoine. OK, déjà trois ans qu’on ne peut plus fumer dans les lieux publics, mais quand la Nova Family doit quitter son immeuble historique occupé depuis le début des années quatre-vingt, chargé de tant de joies souples, de drames lourds, de concerts spongiformes et de célébrations païennes, elle organise une teuf d’adieu ponctuée par un geste explosif d’exorcisme quasi chamanique, comme un remake fauché génial de Piège de cristal. Le tout, pour ne transhumer tel un troupeau d’éléphants forcément effervescents qu’à seulement 702 mètres de là, dans les couloirs blancs du 127 avenue Ledru-Rollin, encore dans le XIe arrondissement de Paris, en face d’un commissariat.
En ces mêmes bureaux, nous retrouvons à nouveau nos consœurs et confrères plus sages de TSF Jazz – avec des flashs infos assurés sur les deux antennes par Amar Abdelkrim, Thierry Paret, Laurent Sapir ou Thierry Lebon. Qui annoncent, en vrac, que : la terre tremble terriblement en Haïti, en Chine, en Chili, à Sumatra ; Jacques Audiard est césarisé pour son Prophète ; le lanceur d’alerte australien Julian Assange dévoile via la plateforme WikiLeaks des milliers de documents confidentiels sur le rôle du gouvernement américain et de leurs alliés dans la guerre en Irak et en Afghanistan ; la mort de Chabrol, Lhasa, Rohmer, Louise Bourgeois ; la création d’Instagram, l’arrivée de l’iPad ; le burlesque filmé par Mathieu Amalric en Tournée, prix de la mise en scène à Cannes, dont les nuits sont parfaitement décrites sur nos ondes par Enora Malagré ; cette loi indienne qui oblige les enfants de 6 à 14 ans à aller à l’école, pour lutter contre le travail des mineurs ; ou la sortie des mémoires de Patti Smith, sous le titre Just Kids.
Cette décennie qui démarre sera l’écrin d’un fameux petit programme qui pousse, qui pousse, passant de vingt minutes à une heure : Dans Les Oreilles de..., présenté par Isadora Dartial et réalisé par Guillaume Girault et Benoît Thuault. « Quel disque a changé votre vision de la musique ? Celui que vous avez le plus écouté ? Quel air a bercé votre jeunesse ? » Voici le type de questions auxquelles répondent, excusez du peu, Bob Wilson, Lalo Schifrin, Bianca Li, James Blake, Anna Karina, Jean-Pierre Bacri, Carolyn Carlson ou Russell Banks…
Pendant ce temps, une caravane est joyeusement atomisée par nos auditeurs lors d’une fête à Nova Bordeaux, dont les membres sont aussi garnements qu’à Paname. Marie Arquié, biblio-maniaque à la voix grave, s’immisce dans le Grand Mix de l’après-midi pour glisser quelques conseils littéraires entre le rock fluide de Gossip et la plage en plastique dénoncée par Gorillaz (entouré cette fois de Bobby Womack, Lou Reed ou l’orchestre national du Liban). Les jeunes musiciens new-yorkais du Menahan Street Band se pointent avec deux mastodontes de la soul, Lee Fields et Charles Bradley, et tout s’arrête : l’équipe se colle aux vitres du studio pour écouter leurs timbres baignés de whisky. Alors on danse, dirait le Belge Stromae, à suivre. Et Bintou reçoit ce message des Nubians, envoyé depuis Brooklyn, à l’annonce de notre déménagement : « Quand je me balade dans New York, bars et restaurants sont souvent tenus par des Français. Légion nous sommes. Génération Nova. L’hospitalité, c’est dans le sang. Les fêtes sur le toit du 33 rue du Faubourg Saint-Antoine font partie de l’Histoire (…) Gardez-nous vifs, et alertes, conscients, pleins et amoureux, heureux et malpolis, meilleurs même dans le pire, voisins, humains ! »
Réalisation, mixage : Malo Williams.
2011 (première partie) : et le RKK cria
En 2011, Nova débarque au festival de Cannes en compagnie d’une bande de jeunes espoirs masculins, dont Giulio Callegari, futur co-créateur de la série télé Validé, qui à l’époque signe pléthore d’articles pour Novaplanet.com dans un bureau du web partagé avec Adrien Gingold et Christian Nzonta. Le temps d’un sketch cruellement drôle et bourré de mépris pour la vieillesse, empruntant le ton déjà fort emprunté de Godard dans le film du même titre, Giulio se plaint de ces seniors qui rabâchent à toute heure que « c’était mieux avant ». Cette rengaine, rincée jusqu’à la glotte, notre antenne ne finit jamais d’en faire les frais – alors que de nouveaux talents sont accueillis à bras ouvert chaque saison, parfois sans expérience radiophonique, sur la foi d’une énergie, d’une idée, d’une voix, d’une envie. Alex Masson, juré cette année-là de la Semaine de la Critique (qui récompense d’un grand prix le brillant Take Shelter de Jeff Nichols, à propos d’un ouvrier terrorisé par des visions d’apocalypse imminente), est ainsi contraint de vivre en colocation avec un écrivain-journaliste bavard et exalté, Richard Gaitet, qui seconde Marion Armengod au booking des invité·e·s et participe aux plateaux collégiaux de L’Eléphant effervescent animé sur la plage par Mélanie Bauer avec… David Blot, de retour sur nos ondes après des centaines d’heures de fête, Respect. Quatre mois plus tard, Richard mettra en marche les rouages d’un « juke-box littéraire » nocturne et quotidien, sa Nova Book Box, qui donne à entendre des extraits de romans, des bouts d’essais, de la poésie, des bizarreries ou de la BD, des classiques et de la nouveauté, une « machine à lire » qui s’évertue à balancer des tranches de littérature aussi variées, exigeantes et inattendues que la playlist de la station, et qui durera neuf ans.
Pendant ce temps, le printemps parle arabe car le Moyen-Orient s’embrase dans le sillage de la révolution tunisienne, qui force Ben Ali à quitter le pouvoir. D’autres peuples reprennent le slogan « Dégage ! » et parfois, bsahtek, ça marche. En Egypte, démission du président Moubarak, en place depuis 1981. Au Yémen, le président Saleh est chassé de son palais après trente-trois ans de règne. Une guerre civile éclate en Lybie et aboutit au lynchage de Kadhafi, mettant fin à quarante-deux ans de tyrannie. La contestation s’intensifie en Syrie, mais la répression orchestrée par Bachar el-Assad n’en est que plus brutale. Idem au Bahreïn, où le roi Hamad reste vissé sur son trône. Sur Nova, certaines nuits se font l’écho de ces protestations, ou prennent le temps d’explorer des « Sujet(s) » comme la boxe ou le hacking (avec le concours de comédien·ne·s aussi follement marrant·e·s que Fred Tousch et Diane Bonnot).
C’est aussi l’année où la population mondiale atteint… sept milliards, tandis que Lars von Trier imagine que la Terre s’apprête à être percutée par une planète nommée Melancholia. La mélancolie nous étreint en apprenant la mort de Gil Scott-Heron et d’Amy Winehouse, définitivement back to black. Suite à la publication des caricatures de Mahomet, un incendie criminel se déclare à Charlie Hebdo, qui termine l’année en clamant « Bon débarras ! » après l’assassinat de Ben Laden au Pakistan, l’incarcération du président Gbagbo en Côte-d’Ivoire ou l’arrestation de DSK à New York pour agression sexuelle. Surprise : Joeystarr nique les pronostics en jouant un keuf bouleversant dans Polisse de Maïwenn, qui reçoit le prix du jury à Cannes. Pas surprise : Kim Jong-il succède à Kim Il-sung en Corée du Nord. Kavinsky accompagne les virées automobiles du cascadeur au blouson scorpion de Drive, on s’envoie des œillades en dansant sur The Look de Metronomy, et Jamie XX remixe sa compatriote Adele, 21 ans, pour rouler dans les profondeurs d’un chagrin d’amour afin de s’en relever, en criant… comme Rémy Kolpa Kopoul aux grandes heures du Contrôle discal.
Réalisation, mixage : Mathieu Boudon.
2011 (seconde partie) : 30 bougies s’allument autour du monde
Performance ? Tentative réussie d’inscrire sur la mappemonde notre désir long-courrier de métissage culturel, ce Grand Mix XXL affranchi des frontières géographiques ? Record battu en appuyant trente fois sur record ? Moment un peu mythique – et paradoxalement méconnu – de l’Histoire de la radio française ? Ou juste une fixette démesurément farfelue autour du nombre onze ? Le 11/11/11, c’est-à-dire le 11 novembre 2011, Radio Nova a célébré ses 30 ans… pendant 30 heures de direct, en envoyant 30 reporters dans 30 villes le long des fuseaux horaires afin qu’il soit perpétuellement 11H à l’antenne. Le temps d’une émission-marathon où nos journalistes se sont passé·e·s le relais, au départ de Venise avec Henry Chapier et Héloïse Delaunay jusqu’au final bolivien à La Paz avec Fadia Dimerdji. Le tout, diffusé parfois depuis les locaux de radios locales, et surtout grâce à un dispositif pensé de main de maître par notre directeur technique Benoît Simon. Au fil de cette course hyper-cool contre la montre... Bintou Simporé joue du Mireille Mathieu à Shanghai. RKK fait claquer ses bretelles sur la plus importante radio de Papouasie-Nouvelle Guinée. David Blot se balade en train entre Salt Lake City et San Francisco. Nicolas Saada et Isabelle Gornet apprivoisent la vie sur pilotis, les aubes roses et la solitude sur le sable blanc des Maldives. Isadora Dartial choisit pour guide en Jamaïque un certain Courtney John, en poussant jusqu’aux studios Tuff Gong. Jean Rouzaud et Benoît Thuault se font chambrer en VO dans un cabaret en taule d’Addis-Abeba, Ethiopie, par un chanteur moqueur. Adrien Gingold apprend à surfer ailleurs sur que le net : à Honolulu, avec un collier de fleurs mauves, tandis que Jean-Philippe de Tinguy flippe pour son ventre à Dubaï. Les oreilles et les âmes voyagent du Kazakhstan à la Nouvelle-Zélande, des Fidji au Groenland, des cuisines d’Hanoï au chant des baleines dans la nuit des Açores…
Et tandis que nos globe-trotters fouinent les métropoles – avec la contrainte supplémentaire de trouver un groupe capable de reprendre I got you babe de Sonny & Cher dans la langue du pays, clin d’œil au film Un jour sans fin – avant ce super grand live international, les ancien·ne·s reprennent du service au micro. Pendant une semaine, le matin et chaque fin d’après-midi, les voix familières d’Edouard Baer, Yannick & Mélusine, Karl Zéro & Daisy d’Errata, Loïc Dury, Gilb’r et Thierry Planelle, sans oublier Jamel Debbouze (venu avec Michaël Youn et, par téléphone, Omar Sy et Ramzy Bedia), résonnent dans nos studios parigots. Où se presse, au soir de ce jour J extra-large, une foule de galopins et d’ambianceuses venu·e·s fêter ce NovAnniversaire Maousse Dingo autour de Bruno Delport, Marion Armengod, Max Guiguet, Mathilde Serrell ou notre assistant « goal volant » appelé à de grandes responsabilités rapologiques : Jean Morel, dit Jean-Mo. « Onze » va pas se mentir : c’était chouette.
Réalisation, mixage : Mathieu Boudon.
2012 : Nova Présidente !
« Putain, c’est quoi ça ? » En 2012, un obscur calendrier maya, contesté par les meilleur.e.s anthropologues, situe la fin du monde au 21 décembre. Clôture cataclysmique d’un cycle de plus de cinq mille ans pour l’humanité. Tsunamis et séismes sont redoutés, entraînant insurrections, famines et krachs boursiers. Les « survivalistes » élaborent des scénarios d’effondrement de la société et se replient dans des bunkers souterrains, avec armes et provisions, transforment des fermes en camps retranchés, s’enfoncent dans les forêts de Sibérie ou dans la jungle – pour apprendre à vivre avec la même intensité que celle qui habita, une nuit sur Nova, le performer-écrivain-musicien Jean-Louis Costes, auteur d’opéras dits « pornos-sociaux », lors d’une lecture de Kerouac enregistrée dans sa maison de Mayenne. « On ne savait plus où était la route », cette année-là. À Toulouse et Montauban, les attentats menés par Mohammed Merah contre une école juive et des militaires font sept morts. Poutine est réélu et le Costa Concordia coule un vendredi 13 au large de la Toscane. Fallait-il quitter la Terre, se téléporter vers d’autres univers, sur Mars comme le robot Curiosity, au son de la boucle disco Beam me up de Midnight Magic, en rotation lourde à l’antenne ? Plusieurs figures aguerries des étoiles s’éteignent comme des supernovas : Neil Armstrong, Moebius, Ray Bradbury ou la star Donna Summer, tandis que l’astronaute japonais Akihiko Hoshide se prend en photo depuis l’espace et offre un écho inouï à l’usage du mot selfie.
Dans notre galaxie radiophonique, le joyeux tandem de matinaliers, Armel Hemme et Thierry Paret, renforcés par la présence d’une jeune journaliste, Marie Misset (devenue vite indispensable notamment pour sa capacité à écrire des vers sur tout et n’importe quoi), se disloque. Thierry reste aux commandes de l’astronef matinal et fonde en septembre, avec Linda Lorin, La Nouvelle Internationale, focalisée sur des actualités du monde entier, qui s’enthousiasme pour la résurrection médiatique de Sixto Rodriguez via le documentaire Sugar Man, reçoit Gaël Faye ou Thomas Pesquet (qui s’entraîne encore un chouïa avant de passer près de 400 journées extra-terrestres). Pendant ce temps, Armel & Marie nous offrent chaque fin d’après-midi 2H15 avant la fin du monde, une quotidienne d’info-tainement avec interviews, lives et sketchs – dont Tournez planète co-écrit avec Giulio Callegari, anti-guide touristique qui alimente avec fougue les clichés sur les pays visités. Exemple 1 : « Comment savoir si vous êtes dans un quartier chaud au Pérou ? Sortez votre bras par la fenêtre. Si vous n'avez plus de montre, c'est normal. Si vous n'avez plus de bras, c'est un quartier chaud. » Exemple 2 : « Le nom du pays Madagascar vient du dessin animé Madagascar. Les autorités ont longtemps hésité avec Moi, moche et méchant, mais les Malgaches ne sont pas méchants. » Exemple 3 : « Quand vous chassez en Norvège, criez "Je ne suis pas un élan" pour éviter qu'on ne vous tire dessus, la visibilité est réduite. Si vous entendez "Je suis un élan", ne tirez pas non plus, c'est un élan qui parle et c'est rarissime. Vous allez devenir riche. »
Au même moment, le Prix de la Page 111, notre Goncourt à nous, un prix littéraire très sérieusement absurde qui récompense la meilleure page 111 de la rentrée francophone, se bricole autour d’un jury d’écrivain·e·s gentiment farfelu·e·s. La plume taquine aussi méchamment les rappeurs rameutés en loucedé par Jean Morel dans nos stud3ios pour les freestyles filmés du crew Grünt avec Lomepal, ou encore Nekfeu, Alpha Wann, Doums (bref, L’Entourage). David Blot ouvre de son côté les portes de son salon musical, le Nova Club, toujours en exercice. Mais l’événement qui mobilise autant de clics et de commentaires que la K-pop style Gangnam Style, c’est la candidature de Nova aux élections présidentielles, portée par la voix de Mathilde Serrell, prétexte à un « boulevard de l’utopie ». Slogan-clé : Travailler moins pour penser plus. Repos, citoyen·ne·s !
Réalisation, mixage : Mathieu Boudon.
2013 : fiesta clandé pour tous
Random Access Memories. Comme nous le souffle le titre du quatrième album de Daft Punk sorti en très grandes pompes cette année-là, plongeons au hasard de nos souvenirs balèzes de 2013. OK : Keziah Jones pète une corde en donnant une leçon de blufunk à Isadora Dartial dans les coulisses des Nova Sessions, concerts privés filmés sous la verrière du 127 avenue Ledru-Rollin et diffusés sur la plateforme Culturebox de France Télévisions. Méconnaissables sans leurs casques argentés de robots, Thomas Bangalter et Guy-Manuel de Homem-Christo causent de leur goût pour l’anonymat au micro de David Blot… dans l’indifférence générale du peuple de nos studios. Get lucky, les Terrien·ne·s : alors que Sandra Bullock se tire in extremis de ses pépins orbitaux dans Gravity d’Alfonso Cuaron, un astéroïde de quarante kilomètres de diamètre frôle de peu la planète, quelques heures après la chute d’une super-météorite au sud de l’Oural, qui blesse quand même des milliers de Russes. La voix de Get lucky, Pharrell Williams, tourne à Los Angeles un clip vidéo d’une durée totale de vingt-quatre heures, dont la version abrégée rend instantanément happy. Dans la foulée, puisque « dormir, c’est mourir un peu », et surtout parce que la nuit Paris se meurt de trop d’embourgeoisement et de plaintes gna-gna-gna contre les nuisances sonores, Nova improvise une fête clandé itinérante d’arrondissement en arrondissement, au volant d’une camionnette équipée d’un sound-system, en gigotant sur un remix de Janet Jackson par Kaytranada ou sur La Femme qui recherche des sensations, heureux comme au début de La Grande Belleza de Paolo Sorrentino ; un moment formidable, dirait Stromae, que nous raconte ici Nadine Gravelle, chancelière de la teuf et bien-aimée directrice des partenariats durant vingt-cinq ans.
Pendant ce temps, le quotidien britannique The Guardian publie en ligne un document secret, premier d’une série d’archives chapardées à la NSA par un ancien agent de la CIA, l’informaticien américain Edward Snowden, 29 ans. Les révélations du lanceur d’alerte sensibilisent l’opinion sur l’espionnage pratiqué par les agences de renseignements des États-Unis et du Royaume-Uni – et plus généralement sur notre droit à la vie privée, la prédation exercée au quotidien par les squales de la Silicon Valley : Google, Apple, Facebook ou Amazon. Un capitalisme pernicieux, carnassier, ardemment combattu par Angela Davis, black panther et figure du mouvement américain des droits civiques, dont la venue en matinale provoque une grande émotion chez Thierry Paret. Parallèlement, partout en France, les réacs de la « manif’ pour tous » s’opposent en rose à la loi portée par Christiane Taubira, ministre de la Justice, qui autorise le mariage des couples homosexuels. Signe des temps qui se détendent : la Palme d’Or revient aux amoureuses aux joues rouges et cheveux bleus de La Vie d’Adèle d’Abdellatif Kechiche.
La même année, 366 migrant·e·s érythréen·ne·s et somalien·ne·s font naufrage au large de Lampedusa. Obama est réélu, tandis que Nelson Mandela croise Daniel Darc et Patrice Chéreau dans le taxi gris qui mène au paradis, auxquels on dit : au revoir là-haut. Bonjour à la légende de l’éthio-jazz, Mulatu Astatke, 70 ans, qui surgit à l’accueil, tandis que le pianiste Christophe Chassol harmonise tous les sons des images rapportées de son voyage en Inde pour l’album Indiamore. Bonjour aussi à une nouvelle recrue incroyable, Sophie Marchand, étudiante en philo qui sera nommée co-rédactrice en chef de Novaplanet.com, et qui s’est tout de suite sentie, au sein de nos bureaux, « ni dans un temple ni dans une bibliothèque ni dans une boîte de nuit ; peut-être un mélange des trois ». Lose yourself to dance!
Réalisation, mixage : Malo Williams.
2014 : un robot animateur ?
À tous les coups, c’est une question de rythme. Trouver le tempo adéquat pour poser sa voix, ses idées, la musique qui fait vibrer. Comme le prouve cette série de reportages signés Sophie Marchand & Isadora Dartial pour accompagner la sortie du coffret « Nova Danse », qui enregistrent des rudiments de claquettes, les mouvements de base de la samba, de la house ou du hip hop, les pas rétros pas si compliqués qui enjaillent depuis 1936 le parquet du Balajo de Bastille, des conseils de compagnons du kompa haïtien, voire du zouk et de la biguine enseignés dans son salon de Bobigny par feu Franz Derrick, musicien et DJ ambianceur de bals aux Antilles. De manière, à chaque fois, beaucoup moins reloue que le prof de batterie vicieux de Whiplash, réalisé par Damien Chazelle – lui-même ex-batteur de jazz enseveli de récompenses, de Deauville aux Oscars.
Le rythme d’écriture est intense dans les turbines de 2H15 avant la fin du monde. Tel un late show à l’arrache, Armel Hemme & Marie Misset prennent le pari d’accoucher de quatre sketchs par jour, volontiers absurdes, toujours liés à l’actu, à propos des fraudes fiscales du ministre du Budget d’un gouvernement de gauche (merci pour ce moment, Jérôme Cahuzac) ou de la disparition d’un glacier (en Islande), en invitant toutes les personnes qui traversent le grand couloir blanc de la rédaction à chanter, crier, imiter Manuel Valls ou parodier les débats cacophoniques des chaînes d’information en continu. L’émission devient également le cadre d’un chantier invraisemblable, résolument tourné vers l’avenir, mais dont le succès pourrait coûter leur place aux deux journalistes : monter de toutes pièces, avec des ingénieurs de Montreuil, un androïde animateur nommé Robi le Robot (comme dans Planète interdite) au moyen d’un financement participatif qui récolta, à l’époque, seize mille euros !
Simulation : s’il avait pris l’antenne à la place de Marie & Armel, qu’est-ce que Robi aurait bien pu dire de… l’invasion de la Crimée – déjà, en 2014 – par la Russie, qui lance la guerre du Donbass dont nous subissons encore les conséquences ? De la disparition inexpliquée du vol MH370 et ses 239 passagers ? De cet autre avion de la même compagnie, Malaysian Airlines, abattu en plein air avec ses 298 passagers quatre mois plus tard, par un missile russe, au-dessus de l’Ukraine ? Qu’aurait dit ce robot des luttes contre le projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes ? De la nouvelle saison de Black Mirror ? Du Nobel de Modiano ? De cette coalition contre l’Etat Islamique en Irak et en Syrie ? De la fin de Là-bas si j’y suis de Daniel Mermet, après vingt-six ans de quotidienne sur Inter ? Du nouveau World Trade Center ? De la B.-O. extraterrestre signée Mica Levi pour Under The Skin, avec Scarlett Johansson ? De cette plateforme nommée Netflix, qu’on dit capable de flinguer le cinéma en salles ? De la mort de Lauren Bacall, de Frankie Knuckles, de Paco de Lucia, de Resnais, de Cavanna, de Garcia Marquez ? Du suicide de Robin Williams, de l’overdose de Philip Seymour Hoffman ? Du roman goncourisé de Lydie Salvayre, intitulé Pas pleurer ? De notre interview bouleversante de Chantal Akerman ? De l’élégance de Gaspard Ulliel dans Saint Laurent de Bonello ? De ce freestyle de Mobb Deep dans L’Eléphant effervescent ? Des canicules à répétition ? Ou de cette question que Jacques Chancel peut désormais poser à Dieu en personne : « Et Dieu dans tout ça ? »
Non mais allô, quoi. Mieux vaut que Robi n’ait jamais vraiment fonctionné, en tout cas pas aussi bien que l’intelligence artificielle dont Joaquin Phoenix tombe raide dingue dans Her de Spike Jonze. Rien ne remplace un cœur battant. Prenons l’exemple de ce journaliste politique de Canal+, Reza Pounewatchy, qui s’infiltre OKLM sur notre antenne, jusqu’à co-animer les Nuits Zébrées... qui célèbrent leurs dix ans à travers un triplex – avec concerts simultanés de Mustang, CongopunQ, C2C ou Jennifer Cardini – à Lyon, Nantes et Marseille. Rép’ à ça ou danse le zouk, foutue machine.
Réalisation, mixage : Malo Williams.
2015 : serre-moi fort
« Oh serre-moi fort, compère. » Le refrain de cette Danse montagnarde (et polissonne) de Maria Tănase, chroniquée dans Néo-Géo par Rémy Kolpa Kopoul, pouvait servir de mantra pour nous consoler de cette année difficile. Quelle ironie que le ConneXionneur en chef ait mentionné « l’enterrement inimaginable » de cette chanteuse à Bucarest, où se pressèrent des centaines de milliers de Roumain·e·s… Nous avions besoin de nous serrer fort, oui, le 11 janvier, sur la place de la République à Paris comme aux quatre cents coins de l’Hexagone, afin d’honorer la mémoire des victimes des terroristes qui ensanglantèrent Charlie Hebdo, Montrouge et l’Hyper-Casher de la Porte de Vincennes au nom de Daech. À l’antenne, nous diffusons des lectures et des morceaux qui invitent à réfléchir – en se marrant, si possible – sur la liberté d’expression ; l’écrivaine Axl Cendres partage ainsi une lettre de sa maman, Hafida, qui pleure de colère en se souvenant de la décennie noire en Algérie, quand les islamistes semaient déjà la terreur. Mi-mars, un attentat frappe le musée du Bardo, à Tunis. Et des bombes explosent à Beyrouth, à Bamako, au Koweït, dans l’Isère… ou n’explosent pas (de justesse) dans le Thalys. Puis d’autres fous de dieu, aigles de la mort et du métaldes kalachnikovs, se faut sauter le vendredi 13 novembre, d’abord à proximité du Stade de France, tandis que leurs complices mitraillent des terrasses avant d’interrompre un concert des Eagles of Death Metal au Bataclan. Des centaines de « lettres à Paris » nous parviennent, lues toute la semaine à l’antenne, sur le modèle des « lettres à Elodie » (Font), qui présente désormais la matinale avec Thierry. Se serrer fort, encore.
Entre-temps, le cœur de Rémy cesse de danser la batucada au lendemain d’une mille-et-unième fête à Brest, où il mixait, à 66 ans. Lui qui venait à peine de clore à Montreuil les représentations d’une comédie musicale Karioka sur l’âge d’or du Brésil auquel il rêvait depuis trente ans… Ce dandy électropical en chaussures de chantier, à la voix de canard enroué (« madrée », disait-il, qui signifie selon le Larousse : « rusée, sous des dehors bonhommes »). Ce pilier du premier Libé, qui fut « mao un jour, mambo toujours », certifié fan de fromages, de champagne et de calembours, et surtout « marié avec la musique ». Permettez de citer cette profession de foi, qui résume quasiment notre radio : « Qu’est-ce qu’un chanteur de tango a de commun avec un musicien new wave ? Qu’est-ce un vieux chanteur de bossa nova a de commun avec un jeune DJ ? Ce sont des mondes séparés qu’il faut brasser ensemble, parce qu’ils ont tout intérêt à se connaître. C’est le mélange des âges et des cultures. Le Grand Mix. Et j’aime bien touiller. »
Les ami·e·s de Rémy se réunissent alors au Jamel Comedy Club, pour sept heures de veillée en direct, en compagnie de Catherine Ringer, Miossec, Rachid Taha, Arthur H, Yael Naim, Ray Lema, Rocé, Laurent Garnier, Hindi Zahra, Mayra Andrade… QLF, Que La Famille, comme dit PNL. Se serrer fort, encore. À Lyon, les afro-kiffeurs de Vaudou Game nous incitent à répéter que nous ne sommes « pas contentes ». On se remonte le moral avec la soul sophistiquée de D’Angelo, black messiah de retour après quatorze ans d’absence, ou en regardant Narcos et ce générique si doux de notre chouchou Rodrigo Amarante, sur la vie de Pablo Escobar – mais cela fait encore trop de fusillades. Reste cette blague recueillie par la journaliste biélorusse Svetlana Alexievitch (lauréate 2015 du Nobel de littérature), qui aurait sans doute beaucoup plu à Rémy, notre si beau chauve né après-guerre d’une mère catholique du Poitou et d’un père juif d'origine russo-lituanienne : « Un officier en permission revient au pays. Il veut se faire couper les cheveux. La coiffeuse l'installe dans un fauteuil.
- Comment ça se passe en Afghanistan ?
- Ça se normalise...
Quelques minutes après :
- Comment ça se passe en Afghanistan ?
- Ça se normalise...
Encore quelques temps après :
- Comment ça se passe en Afghanistan ?
- Ça se normalise...
Il paye, il s'en va. Les autres coiffeurs demandent à la fille :
- Qu'est-ce qui t'a pris de le martyriser ?
- À chaque fois que je lui parlais de l'Afghanistan, ses cheveux se dressaient sur la tête. C'était plus facile à couper. »
Réalisation, mixage : Malo Williams.
2016 : le jeu du rachat et de la souris
« Ça ne s’arrêtera jamais. » Quelques minutes avant minuit, à la veille des 35 ans de Radio Nova, un olibrius passablement surexcité livre une belle démonstration d’optimisme… lors d’une année mouvementée. En 2016, la musique connaît de grandes pertes : David Bowie, Leonard Cohen, Pierre Barouh, Alan Vega, George Michael (oui), Prince Buster et surtout, Prince tout court ; Sa Majesté Roger Nelson, dont le premier concert parisien au Palace en 1981 était déjà sponsorisé par Actuel, et auquel David Blot rend de nombreux hommages teintés de pluie pourpre dans son Nova Club bientôt coanimé avec Sophie Marchand. C’est aussi l’hécatombe chez les Michel : Rocard, Butor, Delpech, Galabru et Tournier rejoignent les limbes du Pacifique. Chagrin également pour les aficionados de Michael Cimino, de Fidel Castro, de Gotlib, de la Princesse Leia ou de Mohamed Ali, que la Faucheuse met K.-O.
Tous ces gens loupent le vertigineux nouvel album de Christophe (Les vestiges du chaos), le Nobel pour Dylan, les premières chansons de Catastrophe ou de Kate Tempest, la mise en marche vers le pouvoir de ce jeune banquier « ni de gauche ni de droite » – c’est-à-dire de droite – nommé Emmanuel Macron, qui vient de quitter le ministère de l’Économie. Ou encore Nuit Debout, ce mouvement antilibéral hétéroclite né de la contestation d’une énième loi travail, qui occupa trois mois la place de la République à Paris, et qu’Armel Hemme, Marion Armengod, Guillaume Girault et Julien Goetz couvrent en direct, une semaine, via des reportages ou des émissions in situ. Pendant ce temps, sous les drapeaux noirs de Daech ou d’Al-Qaïda, le chaos frappe encore : à Nice, à Jakarta, à Bruxelles, à Bagdad, à Ouagadougou, au Pakistan, en Allemagne, au Bangladesh, en Côte d’Ivoire, dans un mariage turc, une église de Seine-Maritime ou une discothèque LGBT de Floride. Ajoutez à ceci l’élection-surprise de Donald Trump aux USA après des mois d’outrances, le Brexit, des débats stériles sur la question du burkini et l’empire médiatique de Vincent Bolloré dont l’influence ne cesse de s’étendre... l’ambiance est lourde.
Dans les couloirs de Nova, on s’inquiète pas mal. Un banquier de gauche, Matthieu Pigasse, ancien conseiller de Dominique Strauss-Kahn et de Laurent Fabius au ministère de l’Économie, a racheté à titre personnel, en 2015, notre antenne. À son sujet, le journal Le Monde a écrit : « La vente du PSG, c'est lui. La renégociation de la dette irakienne, c'est lui. La nationalisation du gaz bolivien pour le compte du président Evo Morales, c'est lui. La recherche d'une sortie de crise pour Libération, c'est encore lui. Matthieu Pigasse est le banquier d'affaires le plus recherché du moment. Celui que les patrons du CAC 40 invitent à leur table avant de lancer une OPA. » Moins de dix ans après cet article, il prend le contrôle du journal Le Monde avec Pierre Bergé et Xavier Niel. Puis ce lecteur de Cioran et de Michaux, actionnaire de l’Obs, de Télérama, de Courrier international ou de Vice, propriétaire du festival Rock en Seine et président des Eurockéennes de Belfort, a fondé Les Nouvelles Éditions Indépendantes (LNEI), qui abritent Les Inrockuptibles, le webzine féministe Cheek. Et, donc, Nova, ses vingt-six fréquences et ses soixante-cinq employé·e·s. Qu’allions-nous devenir, au sein du groupe ? Quels étaient les projets de ce fan de The Clash en costume Dior ?
« Je vous garantis une liberté éditoriale totale, sans intervention de ma part. Vous avez ma parole », nous promet-il, lors de la première rencontre avec l’équipe. Cette promesse est, jusqu’à présent, tenue. Matthieu Pigasse nomme alors Bernard Zekri (ex-reporter d’Actuel, coproducteur de Groland), directeur général de LNEI, puis de notre radio. Nos deux amiraux, Bruno Delport et Marc H’Limi, quitteront progressivement le navire. Deux brillants esprits venus de France Culture, Thomas Baumgartner et Aurélie Sfez, sont invités à réfléchir à un nouveau Nova, avec la volonté de conserver l’équipe en place. Les métamorphoses ne tardent pas à apparaître, dès la rentrée 2016, avec une débauche de moyens inédite. Deux voix historiques, Édouard Baer et Ariel Wizman, font leur retour (séparément). Sfez imagine une émission post-situationniste avec des musicien·ne·s, À la dérive, au gré de leurs désirs déambulatoires. Des journalistes des Inrocks se voient confier des programmes le week-end, telle Géraldine Sarratia, qui interroge ses invité·e·s sur le genre. Une étrange émission politique, Éléments de langage, que les auditeurs déplorent avec entrain, est animée par les deux reporters du Monde qui viennent de publier ce livre d’entretiens ayant peut-être coûté sa réélection à François Hollande. Un comique nerveux, Yassine Bellatar, débarque en bande pour une demi-heure de sketchs quotidiens sous le titre Les 30 Glorieuses. L’équipe du web grossit, investit pour de bon les réseaux sociaux et Nova fait des vidéos, quoi. Comme le fredonnent Polo & Pan depuis leur Canopée : « Jungle sauvage, ouvre tes bras / Enfants naïfs ou hors-la-loi / Les quilles plantées dans un ruisseau / Écoute chanter ce drôle d'oiseau / Il nous invite un peu plus haut / À partager nos idéaux. »
Réalisation, mixage : Malo Williams.
2017 : tout le monde parle d’Édouard
« Tous les matins, on a une mission. Trouver la gaieté au milieu des raisons de désespérer. La beauté au milieu des laideurs. La gentillesse au milieu des visages fermés. Les caresses au milieu des griffes. La tendresse au milieu des gifles. L'ouverture au milieu des fermetures. Si vous acceptez cette mission, la journée sera magnifique. Si vous la refusez, allez vous recoucher tout de suite ! » Pendant deux ans, nos matinées furent piratées par une troupe de joyeux lurons ayant en commun l’absolue célébration de l’instant, de la fulgurance surréaliste, du happening ordinaire, du nawak en bandoulière, avec une sorte de « refus de l’actualité ». Autour d’Édouard Baer, qui refuse généralement de lire le conducteur de l’émission préparé par Eugénie Poumaillou, d’éternels complices s’agitent et rebondissent, tels Atmen Kelif, François Rollin, Jack Souvant, Alexandre Astier ou le guitariste bordelais Tito el Francés. D’une saison à l’autre de Plus près de toi, quatre journalistes – Marie Bonnisseau, Camille Diao, Marie Misset et notre rédacteur en chef, Thomas Baumgartner, qui salue « le sens du direct, au bord du précipice » de l’acteur-animateur – essayent de mettre un peu de sens dans ce carrefour giratoire des fantaisies caféinées, d’interviewer des invité·e·s entre des jeux sans queue ni tête ni bras ni gambettes, ou les personnages inventés par Arnaud Aymard, aussi fictifs que les emplois de Pénélope Fillon ; immortel « Ammoniacal », mi-homme mi-pingouin mi-chiffon, dont les mésaventures « dans une jungle de saucisses » inspireront à Katerine une tranche de sa chanson Stone avec moi.
L’émission, forcément inégale d’un jour à l’autre puisque viscéralement dépendante de l’énergie de ses héros, part se revitaliser à Brest, à Florange, à Tunis, à Montréal, à la romaine Villa Médicis ou station Châtelet-les-Halles. Elle prend aussi le risque de réveiller par téléphone un « monument » : Jean-Paul Gaultier, Marina Foïs, Alain Chabat, Yolande Moreau ou... Claire Chazal. Filmées par Nicolas Lartigue, les « entrées » d’Édouard, au cours desquelles l’histrion décoiffé monologue avec l’emphase de Léo Ferré sur « ceux qui se lèvent de mauvaise humeur, contrariés, renfrognés, froissés, les yeux en dedans, le cœur cadenassé », ou « ceux qui sortent le lundi soir, qui sont quand même bien vicieux », deviennent virales. Et deux fois par semaine à la fin du show, Ruddy Aboab organise des concerts privés sous la verrière de Nova, au casting exceptionnel : Angèle et Jorja Smith (pour leur première radio française), la fanfare allemande Meute, Ben Harper, Sofiane Saidi & Mazada, Toots & The Maytals, Arto Lindsay, Altin Gün, Acid Arab, Alain Souchon ou encore Rone avec l’écrivain d’anticipation Alain Damasio.
Pendant ce temps, en 2017, la dénonciation des agressions sexuelles et de toutes les formes de domination du patriarcat ne sont plus de la science-fiction. Les hashtags #BalanceTonPorc et, au niveau mondial, #MeToo, fédèrent une libération historique de la parole et de l’écoute, portée par les révélations de l’affaire Harvey Weinstein, prédateur hollywoodien qui sera condamné à vingt-trois ans de prison ferme. Toutes vêtues de noir, cinq femmes ayant « brisé le silence » sont désignées « personnalités de l’année » en couverture du magazine Time. Une révolution féministe commence, entérinant dans les consciences un principe de consentement perpétuel et la lutte contre le sexisme ordinaire, les inégalités économiques ou les comportements bah ouais inappropriés.
Et puisque tout est lié, ce sont presque toujours des hommes aussi qui assassinent au nom de la religion. De nouveaux attentats sèment la terreur à Bagdad, à Londres, à Manhattan, à Istanbul, à Las Vegas comme à Levallois-Perret, à Orly, à Stains, en Syrie, au Mali, en Afghanistan, en Egypte, en Somalie, lors d’un concert d’Ariana Grande, dans un sanctuaire soufi, sur les Champs-Elysées, au carrousel du Louvre ou en gare de Marseille, maintenant la France en état d’urgence. Ailleurs, parfois, heureusement, « le calme c’est calme et le soleil dore les écorces d’un reflet gentil et je souris à une fleur qui me tourne le dos », comme le déclame notre poète provençal Jean-Noël Mistral. Calme comme les entretiens menés par un fort sympathique journaliste échappé de France Culture, Xavier de la Porte, qui déploie sa pensée chaque fin d’après-midi dans L’Heure de pointe, en alignant les pointures : Baptiste Morizot, Marion Montaigne, Greil Marcus, Oliver Stone, Fabrice Arfi, Titiou Lecoq ou l’économiste grec et très éphémère ministre des Finances Yánis Varoufákis. Mets du respect sur son nom. La même année que le retour de Twin Peaks, le merveilleux Coco, produit par les studios Pixar, explique aux enfants le fonctionnement folklorique du pays des morts, où viennent d’atterrir Jean Rochefort, Jiro Taniguchi, Jean-Christophe Averty et, je ne sais pas si vous le connaissiez, Johnny. Le vendredi soir, Ariel Wizman provoque des rencontres à forte variation de notoriété dans Connu / inconnu, sur une antenne qui préfère jouer le premier Malik Djoudi plutôt que Despacito, ou pousser le nouveau Biga* Ranx plutôt que Basique d’OrelSan. C’est simple. C’est notre mission. Et ça ne pose pas de problemos.
Réalisation, mixage : Malo Williams.
2018 : « Bam-Bam » et boum(s)
¿ Qué Onda ? La question qui donne son titre, chaque samedi soir, trois saisons durant, au road trip auditif d’Isadora Dartial au hasard grésillant des radios internationales, mérite son effet boomerang. Quels archipels furent abordés, en 2018, par les corsaires et flibustières naviguant sur les ondes de Nova ? C’est-à-dire l’année où nous quittons le 11e arrondissement de Paris pour nous poser Porte de Clignancourt, dans un immeuble blanc de six étages, avec vue sur le périph’, partagé avec Les Inrocks ou une start-up de coworking. L’aménagement des studios prend un retard fou, occasionnant des mois entiers à recevoir des invité/e/s dans de grandes pièces vides, sans chauffage, aux murs de moellons bruts, avec des fils qui pendouillent de partout, ou des lives captés avec trois bouts de ficelle sans même pouvoir fermer la porte – puisqu’il n’y a pas de porte. Il nous faudra quelques fêtes pour nous acclimater.
Passion burlingue, justement. Jean Morel et Sophie Marchand ouvrent au quotidien Bam-Bam, le Bureau des Affaires Musicales, qui décortique des samples cultes avec Sims, se penchent sur le business de la musique bouleversé par le stream et les algorithmes, explique aux novices le mastering, le mashup ou le larsen, se réjouissent du Pulitzer pour Kendrick, suivent de près cette prodige espagnole du flamenco nommée Rosalía, ou interrogent Myd, Casey ou Flavien Berger sur le disque qui a changé leur vie. Parallèlement, après deux ans aux mains d’un régiment zazou de quinquagénaires mâles, la matinale est confiée à deux jeunes femmes à la fois précises et fantasques, Marie Bonnisseau et Queenie Tassell, passablement fans de Céline Dion, qui imaginent Pour que tu rêves encore afin de « retarder l’heure du réveil » avec cueillette de songes, quiz de mots, cours de danse bollywoodienne ou japonaise.
Pendant ce temps, la Book Box, notre juke-box littéraire, multiplie les défis en compagnie d’un réalisateur champion de cyclisme nommé Sulivan Clabaut : partie interactive d’un roman dont vous êtes le héros avec l’humoriste Haroun et les auditeurs, en direct ; déclamation par Kate Tempest, pas encore rebaptisée Kae, de son poème Les Nouveaux Anciens les yeux fermés, quasiment d’un seul souffle – la vidéo frôle les deux millions de vues ; reportage de douze jours à la Fête du Livre de Kinshasa, Congo ; traversée des Ardennes sur 111 kilomètres dans les bottines de Rimbaud, épopée pédestre qui parvient aux oreilles de Patti Smith, invitant l’équipe près des ruines de la ferme où fut écrit Une saison en enfer, qui contient ce vers : « J'ai appelé les bourreaux pour, en périssant, mordre la crosse de leurs fusils. »
Cette année-là, la France est saisie d’une fièvre politique au repère vestimentaire élémentaire. Initialement mobilisés contre la hausse du prix de l’essence, les Gilets Jaunes bloquent les ronds-points pour éviter que la démocratie ne fasse du sur-place, et manifeste en réclamant davantage de justice sociale et fiscale, le rétablissement de l’impôt sur la fortune ainsi qu’un référendum d’initiative citoyenne. La réponse du gouvernement carbure à la délicatesse : mains coupées, visages éborgnés, plus de trente mille blessé·e·s, qui défilent à la télé tandis que nous lisons Le Lambeau de Philippe Lançon, survivant de l’attaque à Charlie Hebdo. Les mots « nasse », « LBD » et « grenades de désencerclement » deviennent ordinaires et l’ONU exige une enquête sur ces violences policières. L’un des gardes du corps du président, Alexandre Benalla, se déguise en CRS et tabasse un couple d’étudiant·e·s dans le Quartier Latin. D’autres Bleus nous mettent un peu de baume au cœur : l’équipe de France remporte sa deuxième étoile en Russie, où Poutine est encore réélu. Le Brésil, l’un des pays les plus métissés du monde, se trompe en votant pour son Trump : Jair Bolsonaro, ancien capitaine d’artillerie, grossier raciste et misogyne homophobe d’extrême-droite, qui va raser une partie de la forêt amazonienne, bafouer les droits des indigènes et couper les budgets de la culture et de l’enseignement. Au même moment, Greta Thunberg, 15 ans, lance sa première grève étudiante hebdomadaire pour le climat devant le Parlement suédois – et devient au fil des mois un modèle de détermination pour toute une génération. Nouveaux attentats à Carcassonne, à Trèbes, à proximité de l’opéra Garnier ou sur le marché de Noël de Strasbourg, faisant de la France le pays occidental le plus touché par le terrorisme. 120 battements par minute, le film de Robin Campillo sur Act Up, récolte six Césars, tandis que les cœurs de Rachid Taha, Aretha Franklin, Jacques Higelin, Stan Lee, France Gall, Hugh Masakela, Philip Roth ou Stephen Hawking ne sont plus là pour danser sur notre programmation musicale dorénavant pilotée par Michael Liot, Guillaume Girault & Christian Nzonta, qui ont remplacé les vaillants Max Guiguet & Emile Omar, et supervisent aussi de nouvelles mini-radios en ligne, thématisées : Nova la nuit, Nouva Nova, Nova Classics. Arrêter de danser ? Y a pas moyen Djaja.
Réalisation, mixage : Malo Williams.
2019 : l’ombre du Zèbre
Vers quels périls roule notre civilisation, ivre de tous ses excès ? 2019 a des allures de train-fantôme. Allô allô allô ? Bébé fait du sale, humanité endgame. L’Australie et l’Amazonie s’enflamment, tout comme les ventes d’ouvrages sur la notion d’effondrement, ou les visionnages d’une série sur Chernobyl. Catastrophes naturelles et marches mondiales pour le climat secouent enfin les consciences les plus rétives au changement, qui questionnent a minima leur consommation de viande, de plastique ou d’avion, tout en écoutant le cri d’alarme formulé par Greta Thunberg, en larmes, à la tribune de l’ONU : « Je ne devrais pas être là, je devrais être à l’école. Vous avez volé mes rêves et mon enfance avec vos paroles creuses. Des écosystèmes entiers s’effondrent, nous sommes au début d’une extinction de masse et tout ce dont vous parlez, c’est de l’argent et du conte de fée d’une croissance économique éternelle. Comment osez-vous ? Depuis plus de quarante ans, la science est claire comme du cristal. Comment osez-vous venir ici en prétendant que vous en faites assez ? »
Coïncidence symbolico-mystique : Notre-Dame de Paris s’embrase pour la première fois depuis le XIIIe siècle au niveau de sa flèche, dont la charpente a nécessité la coupe de mille trois cents chênes. Ça chauffe aussi en Algérie, en Irak et à Hong-Kong, où des manifestations contestent la violence et la corruption du pouvoir ; sur Nova, Aurélie Sfez dérive à Alger avec le collectif techno ATM ou le leader de Gnawa Diffusion, et surtout plonge son micro dans la marée humaine qui conduira le président Bouteflika à démissionner. Tout le contraire d’une autre émission d’Aurélie, plus feutrée, toujours réalisée par Bertrand Chaumeton : une nuit entière en compagnie de Christophe, ses mots bleus et son « nouveau petit synthétiseur », qui nous avoue « ne jamais penser à la mort » et se rendre aux enterrements « en souriant ». Caché derrière ses lunettes fumées, peut-être était-il à celui de Michel Legrand, Agnès Varda, Toni Morrison, Scott Walker, Karl Lagerfeld, Philippe Zdar, Jean-Pierre Marielle ou João Gilberto. Ou à celui de Chirac. Ou à celui d’Andrew Orr, cofondateur de Nova, auquel Catherine Lagarde rend un hommage bouleversant.
Cette année-là possède, comme toutes les autres, ses montagnes russes. Ses hauts et ses bas. Des hauts : l’Académie Française approuve la féminisation des noms de métiers et Clémentine Spiler lance sur notre antenne ses chroniques sur les Pionnières de la musique, comme Chavela Vargas, Éliane Radigue ou Kathleen Hanna, sous mon sein la grenade. Des bas : rageux & rageuses poussent des hurlements sur nos réseaux sociaux à la simple évocation de l’écriture inclusive. Des hauts et des barres : Lizzo nous fait groover, Balkany part en zonzon et l’émission Les 30 glorieuses de Yassine Bellatar & Thomas Barbazan prend le pari de « rire du pire » en accueillant des humoristes acides et à suivre tels Benjamin Tranié, Djamil Le Shlagh, Laura Domenge ou un mystérieux « DJ Chelou ». Des bas : le nom d’Éric Zemmour et la thèse cent fois foireuse du « grand remplacement » prennent trop de place dans les débats. Des hauts, très hauts : Philippe Katerine marie en direct Marie Misset et son compagnon, le Sud-Coréen Bong Joon-Ho gagne la Palme d’Or avec Parasite et un homme traverse la Manche grâce à des réacteurs de son invention. Des bas : l’extrême-droite tue, en visant des musulman·e·s à Bayonne et en Nouvelle-Zélande, ou des Mexicain·e·s à El Paso, Texas, tout en s’emballant pour le clown meurtrier frustré joué par Joaquin Phoenix dans Joker. Haut : début d’un vaste mouvement social contre la réforme des retraites voulue par Emmanuel Macron. Bas : le soir de la fête de la musique à Nantes, un étudiant nommé Steve Maia Caniço tombe dans la Loire suite à une charge de la police et son corps ne sera retrouvé qu’un mois plus tard. Haut et bas mélangés : Volodymyr Zelensky, acteur comique lauréat d’une édition de Danse avec les stars, devenu densément star suite au succès sidérant de sa série Serviteur du peuple dans laquelle il se met en scène en train de remporter l’élection présidentielle ukrainienne, remporte l’élection présidentielle ukrainienne grâce à son parti nommé Serviteur du peuple. Moral bas, après tant de hauts : 2019 est aussi marquée par la fin inopinée de l’un de nos programmes emblématiques, grâce auquel nous avons eu l’impression, nous, de servir le peuple, les Nuits Zébrées, qui remballent leurs rayures au terme de dix-huit ans de concerts gratuits, dont les coulisses sont résumées ici par Ruddy Aboab... dans l’ombre du Zèbre. Mais hauts les cœurs, auprès d’un animal plus discret, Chaton, chanteur chevelu au reggae minimal, qui miaule : « Au bord de la faillite, je continue d’écrire des poésies. »
Réalisation, mixage : Malo Williams.
2020 : musiques de chambre
« Rends-moi le soleil que tu as caché dans tes poches / Déposez-moi là sur l'étoile la plus proche / Demande au ciel si l'avenir sera moche / Je recolle le nôtre avec des petits bouts de scotch. » Il a dû se passer un truc pour que Biga* Ranx, astre montant du dancehall hexagonal équipé en 2020 de sa Sunset Cassette, nous envoie une recette de soupe polonaise depuis son studio tourangeau. Yeah les confiné·e·s, ça fait chaud dans le coeur. Étranges souvenirs. Pangolins maltraités sur le marché de Wuhan. Patient zéro. Mains lavées six fois par jour, vigoureusement. Masqué·e·s-ganté·e·s au supermarché et, pardon mais : laver ses courses en rentrant ? Attestations de déplacement, y compris pour marcher sur la plage. Couvre-feu et bars clandés. Clique & collecte à ton gré le nouveau variant brésilien, anglais, sud-africain, indien. Fêtes en journée et coups de fil longue durée à des ami·e·s perdu·e·s de vue. Le président répète que nous sommes en guerre. Urgences débordées et applaudissements à 20h pour le personnel hospitalier. Écouvillons dans le pif, coudées et checks du pied. Apéros Zoom et shots d’hydroxychloroquine au comptoir du vaccinodrome, troisième dose ou antivax et complots à gogo. Barbe bicolore d’Édouard Philippe. Prenez soin de vous. Anniversaires en solitaire. Rattrapage en séries, qui disent beaucoup sur l’époque : Euphoria, Watchmen, Years & Years, En thérapie.
Sangliers au centre de Barcelone. Daims en liberté dans les rues de Boissy-Saint-Léger. Alligator pas prêt de devenir un sac à main dans une zone commerciale de Caroline du Sud. Avions sur le tarmac. Printemps à la fenêtre et plus un bruit dans Paris, à part le chant des oiseaux. Mais aussi, en 2020 : cyclones, fournaises, inondations, invasion de criquets dans la corne de l’Afrique, double explosion dans le port de Beyrouth. Sensation persistante que l’univers continuera sans nous, comme le chantent les bien-nommé·e·s Catastrophe sur Solastalgie – mot qui décrit notre détresse, ou éco-anxiété, face à la dégradation continue de la planète. Adieu les cons, crie l’affiche du nouveau Dupontel. Surprise : les écolos gagnent les mairies de Lyon, Bordeaux, Strasbourg, Grenoble, Annecy ou Poitiers. On aimerait effacer l’historique, selon le titre du dernier film de Kervern & Delépine. On se lève et on se casse, écrit Despentes pour commenter le départ furieux d’Adèle Haenel de la cérémonie des Césars, qui préfèrent offrir le trophée du meilleur réalisateur à Roman Polanski – accusé de viols et d’agressions sexuelles par douze femmes – plutôt qu’à Céline Sciamma et son Portrait de la jeune fille en feu.
Sur Nova, la pandémie grille un bout de notre grille des programmes, mais les gens se remettent à écouter la radio en masse et partagent nos hommages à Manu Dibango, Christophe, Tony Allen, Juliette Gréco, Idir ou Mory Kanté. À la mort d’Ennio Morricone, David Blot décide de clore chaque Nova Club avec un morceau du maestro italien, pendant un an. Joie de retrouver les collègues en présentiel. Jean Rouzaud, dandy punk et historien de l’underground, qui a toujours raison même quand il a tort, part à la retraite non sans distribuer ses livres et ses cravates. Dix-huit ans après avoir démarré au standard, Mélanie Mallet est nommée directrice de notre antenne, qui retrouve une certaine vitalité avec la création de deux espaces physiquement dédiés à la musique live et à la bamboche, qui n’est donc pas terminée. D’abord Chambre noire, animée par Reza Pounewatchy avec la complicité de Judah Roger, accueillant chaque mercredi soir de solides espoirs comme P.R2B, Voyou ou Bonnie Banane. Et le vendredi, de très attendues Teufs d’appart cèdent les platines à Get A Room, Yuksek, Chloé, le collectif Moonshine, Boombass, La Créole ou divers anciens comme Blundetto ou Laurent Garnier, qui seront sommé·e·s de défier notre « manège à trois » de DJs maison : Malo Williams, Smaël Bouaici, Théo Wizman, en bande organisée. La technique, le flow de malade, artistiquement, on se balade.
Réalisation, mixage : Malo Williams.
2021 : un nouveau jour se lève
C’est le monde à l’envers. En 2021, au mépris du re-re-confinement et des mesures de distanciation sociale, Isadora Dartial ne cesse de voyager et part avec Juste Bruyat ou Lucile Aussel explorer des villes au Ghana, au Portugal, au Sénégal, en Pologne ou au Liban. Un Nova jour se lève, la matinale conçue et présentée par Armel Hemme et Sarah-Lou Bakouche (diplômée de Sciences-Po, échappée de RFI), remporte le prix de la meilleure émission de radio – de France ! – selon CB News. À ce qu’il paraît, des centaines de milliers de personnes écoutent les histoires mélomaniaques de Thierry Paret dans son rendez-vous nommé À ce qu’il Paret. L’Arche de Nova, notre podcast quotidien d’utopies poétiques pour futurs désirables, continue d’embarquer un bestiaire d’artistes pour des scénarios farfelus, des raisonnements magiques, des logiques insensées, de noirs vertiges... afin de changer la société à contre-courant du pessimisme apocalyptique, en compagnie de Laetitia Dosch, Rocé, Alice Zeniter, Feu ! Chatterton, Wendy Delorme, Olympe de G., Sylvain Prudhomme, Pacôme Thiellement, Sigolène Vinson ou l’Orchestre Tout Puissant Marcel Duchamp. Comme l’a écrit Gébé en postface de sa BD L’An 01, source d’inspiration du programme réalisé par Mathieu Boudon ou Benoît Thuault : « … l'utopie, rébellion non-violente, lance un pont invisible dont l'arche, ancrée dans ce présent affligeant, enjambe le décevant avenir prévisible et touche une rive inconnue, vierge, où la vie pourrait prendre un cours différent, sans marchés financiers ni poisons industriels, ni distractions viles et sans tyrannies inesthétiques.»
À l’heure de la séparation de Daft Punk le temps d’une vidéo explosive baptisée Épilogue, à l’heure où le Goncourt est décerné au Sénégalais Mohamed Mbougar Sarr (31 ans) pour sa Plus secrète mémoire des hommes alors qu’on sent monter l’odeur de l’essence dans une France rance obsédée par les dérapages d’Hanouna et les tirades anti-wokes de CNews, à l’heure du triomphe des genres sous le capot de Julia Ducournau (38 ans, première Française sacrée d’une Palme d’Or pour Titane), à l’heure du double biopic ciné-télé sur le Suprême NTM (avec reconstitution troublante de leurs premiers freestyles aux grandes heures du Deenastyle), Nova touche une rive inconnue et commémore ses 40 ans l’année de ses 41 ans avec un podcast de 42 heures, de A jusqu’à Zèbre. Tout en s’affirmant encore et toujours comme un laboratoire des espoirs. Voyez nos nouvelles recrues : Jeanne Lacaille et sa Potion, David Bola et sa Traque, Math de Capèle et sa maîtrise des réseaux, ou le DJ et ex-disquaire de BPM, Romain BNO, devenu programmateur musical. À l’extérieur, observez le rayonnement de nos talents. Ruddy Aboab a été nommé directeur de FIP. Les débats de société de C ce soir sur France 5 ne peuvent plus se passer de Camille Diao. Né en loucedé au micro de Nova, Grünt de Jean Morel et ses complices – dont Morane Aubert – est devenu le studio de production audiovisuelle de référence de rap francophone d’avant-garde. Marie Bonnisseau parle de censure chinoise ou d’un condamné à mort libéré grâce à un podcast sur le plateau de 28 minutes animé par Elisabeth Quin – qui fut notre toute première matinalière en 1991. Marie Misset dirige la rédaction de Konbini et l’une de nos anciennes stagiaires, Ambre Chalumeau, tient avec panache la Brigade des Affaires Culturelles de Quotidien. Marion Armengod a monté Make Some Noise, son propre studio de podcasts, idem pour Thomas Baumgartner avec Waves ou Christophe Payet avec Nique la radio. Marc H’Limi et Sulivan Clabaut réalisent via Allsound tout l’audio du groupe SoPress. Queenie Tassell crée et réalise avec Ambre Larrazet la série historico-marrante Damoiselle sur TV5 Monde. Aurélie Sfez recueille des Fragments de vie pour Arte et Richard Gaitet des conseils d’écriture dans Bookmakers pour Arte Radio. Sans oublier la cinquantaine de fêtes et autres bals Nova organisé·e·s chaque année dans tout le pays par Théo Sébald et son comité du fun, pour lesquels ce n’est jamais le dernier jour du disco. Saviez-vous en outre que Bintou Simporé vient d’être sacrée Chevalière de l’ordre des Arts et des Lettres, l’année des 30 ans de Néo-Géo ? Comme disait Godard : c’est la marge qui fait tenir la page. Quelle bande magnétique !
Réalisation, mixage : Malo Williams.
Épilogue, à bord du Nova Express
Et si Radio Nova était un animal ? Une plante ? Un instrument de musique ? Que peut-on nous souhaiter pour les quarante prochaines années ? Chants de joie et pistes de réflexion avec Camille, DJ LBR, Samba Ndiaye. Jean Morel, Aurélie Sfez, Marie Bonnisseau, Ariel Wizman, Bintou Simporé, Marie Arquié, Ray Lema, Bruno Delport, Marushka Vidovic, IAM, Mathilde Serrell, Lionel « Foxx » Magal, Reza Pounewatchy, Arnayd Aymard, Mélanie Mallet, Bastien Stisi, Angela Lorente, Camille Diao, Sir Ali, David Brun-Lambert, Isadora Dartial, DJ Cut Killer, Sophie Marchand, Richard Gaitet, Théo Sébald, Mélanie Bauer, Christophe Nick, Nicolas Saada, Squaaly Baba, Hadja Tabi, Sapho, Jean-Jacques Palix & Eve Couturier, Roudoudou, Princesse Erika, Thierry Paret, Liz Gomis, Marion Armengod, Esteli Hernandez Ortiz, Ariel Kyrou, Alex Masson, Yannick (Barbe) & Mélusine (Raynaud), Armel Hemme, Frédéric Taddéi, Morane Aubert, Patrick Leygonie.
Réalisation, mixage : Sulivan Clabaut.